Index obscurus

Deux siècles et demi de complots 1788 - 2022

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Collection : Auteur : Pages: 360 ISBN: 9782865533527

Description

Apparu à la suite de la commission Warren qui enquêta sur l’assassinat du président Kennedy, le mot complotiste s’est peu à peu installé dans les débats. Ces dernières années, son succès est allé croissant au point de voir toute parole s’écartant des discours officiels et de la doxa gouvernementale taxée decomplotiste. Mais qui connaît vraiment l’origine stupéfiante du mot ? Et n’est-il pas insensé de vouloir faire des complots un tabou quand ceux-ci parsèment l’histoire de l’humanité, parfois avec des répercussions redoutables ?

De la conspiration des poignards lors du Consulat de Napoléon à l’assassinat de l’ex-Premier ministre libanais Rafiq Hariri, des « Pétroleuses » de la Commune de Paris au sabotage du gazoduc Nordstream, c’est de la sorte une bonne soixantaine de sujets, ou « complots », qu’aborde Index obscurus et qui permettent de revivre plus de deux cents ans d’histoire. Démontrant à qui veut bien l’entendre que l’historien, par essence, se doit d’être complotiste.

Collection Le Cercle Aristote

préface de Mehdi Belhaj Kacem

  Un Thucydide moderne

« L’histoire du terrorisme est écrite par l’État ; elle est donc éducative. Les populations spectatrices ne peuvent certes pas tout savoir du terrorisme, mais elles peuvent toujours en savoir assez pour être persuadées que, par rapport à ce terrorisme, tout le reste devra leur sembler plutôt acceptable, en tout cas plus rationnel et plus démocratique. »

« Depuis longtemps, on s’est habitué partout à voir exécuter sommairement toutes sortes de gens. Les terroristes connus, ou considérés comme tels, sont combattus ouvertement d’une manière terroriste. Le Mossad va tuer au loin Abou Jihad, ou les S.A.S. anglais des Irlandais, ou la police parallèle du “G.A.L.” des Basques. Ceux que l’on fait tuer par de supposés terroristes ne sont pas eux-mêmes choisis sans raison ; mais il est généralement impossible d’être assuré de connaître ces raisons. On peut savoir que la gare de Bologne a sauté pour que l’Italie continue d’être bien gouvernée ; et ce que sont les “Escadrons de la mort” au Brésil ; et que la Mafia peut incendier un hôtel aux États-Unis pour appuyer un racket. Mais comment savoir à quoi ont pu servir, au fond, les “tueurs fous du Brabant” ? »

« Le complot général étant devenu si dense qu’il s’étale presque au grand jour, chacune de ses branches peut commencer à gêner et inquiéter l’autre, car tous ces conspirateurs professionnels en arrivent à s’observer sans savoir exactement pourquoi, ou se rencontrent par hasard, sans pouvoir se reconnaître avec assurance. Qui veut observer qui ? Pour le compte de qui, apparemment ? Mais en réalité ? »

Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle, 1988

« Notre programme aura atteint son but lorsque tout ce que croira le public américain sera faux. »

William Casey, ex-directeur de la C.I.A., 1981

Voici un livre qui marquera l’histoire de la pensée moderne d’une pierre blanche. Car j’ai eu, jusqu’ici, l’insigne honneur de préfacer des philosophes, des scientifiques, des poètes, de tout premier plan, dont les livres formeront la « bibliothèque idéale » du futur. J’ai ici l’honneur et la fierté de saluer la naissance d’un immense historien. La lecture du présent livre marque la naissance d’un véritable Thucydide des temps modernes : d’un archiviste (au sens de Michel Foucault) qui jette des éclairages rasants sur les zones d’ombre (obscurus) de l’Histoire moderne au sens large comme au sens strict (pour la faire courte : depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, tout est tenu par la CIA, à commencer par les « événements » qui ont secoué notre monde, le « Covid » dernier en date, et le plus burlesque de tous).

Moi qui me pique, dans mon travail, de proposer une philosophie de l’histoire à la hauteur de notre temps, ce livre me sera à l’avenir d’une utilité irremplaçable. J’y ai appris de très nombreuses choses que j’ignorais, et le lecteur le plus aguerri en « complotisme » en apprendra lui aussi : des vertes et des pas mûres. Mais qu’entendez-vous au juste, Dr Médard (c’est ainsi que certains de mes proches me surnomment), par « complotisme » ? Au moins peut-on remarquer, pour marquer le coup, que tous ceux qui utilisent le terme ne le savent pas eux-mêmes. Ce qui en dit très long, et mériterait une analyse psychanalytique et psychiatrique bien serrée. Passons.

Depuis mars 2020, où il est devenu très à la mode, le terme de « complotiste » créé par la CIA en 1967 (Marcival explique lumineusement pourquoi, dans l’entrée consacrée à l’assassinat de JFK), lors même qu’il était jusque-là (2020, pas 1967) un terme réservé à des « initiés » de toutes sortes, il est devenu très aisé de définir, et sèchement, ce que signifie le mot « complotiste ». Il signifie : « dissident de l’ouest ». C’est-à-dire, comme les « dissidents » de l’ex-bloc soviétique (donc « de l’est »), qui firent foison dans les années précédant 1989 (comme les « complotistes » depuis trois ans), de gens qui ne souscrivent plus au mythe de la divine « démocratie occidentale », et savent que la « démocratie », dans ledit « bloc occidental » entièrement phagocyté par la CIA, c’est, principalement, et ce depuis désormais longtemps, le droit de penser comme tout le monde, c’est-à-dire comme pense la CIA (et le Mossad, comme le démontre à l’envi Marcival). Les procédés de la Gestapo et du KGB, à côté, font un peu pitié.

En effet, à partir de l’effondrement du bloc de l’est en 1989, symbolisé par la chute du mur de Berlin, s’installe aussitôt un « grand récit », comme dirait Lyotard[1], lequel (le « grand récit », pas Lyotard), promeut le fait que le modèle de la démocratie libérale et la loi mondiale du Marché est en passe de triompher, actant par là même le logion hégélien de la « fin de l’Histoire »[2] : le paradis sur terre s’apprêtait à s’établir partout sans plus aucune résistance, sous la haute supervision des États-Unis, les « sheriffs du monde ».

On aurait mieux fait, de toute évidence, de parler de « mafia du monde », et c’est ce que constate Debord, dans le même livre multi-cité en exergue :

« Quant aux assassinats, en nombre croissant depuis plus de deux décennies, qui sont restés entièrement inexpliqués — car si l’on a parfois sacrifié quelque comparse, jamais il n’a été question de remonter aux commanditaires — leur caractère de production en série a sa marque : les mensonges patents, et changeants, des déclarations officielles ; Kennedy, Aldo Moro, Olaf Palme, des ministres ou financiers, d’autres qui valaient mieux qu’eux. Ce syndrome d’une maladie sociale récemment acquise s’est vite répandu un peu partout, comme si, à partir des premiers cas observés, il descendait du sommet des États, sphère traditionnelle de ce genre d’attentats, et comme si, en même temps, il remontait des bas-fonds, autre lieu traditionnel des trafics illégaux et protections, où s’est toujours déroulé ce genre de guerre, entre professionnels. Ces pratiques tendent à se rencontrer au milieu de la société, comme si en effet l’État ne dédaignait pas de s’y mêler, et la Mafia parvenait à s’y élever ; une sorte de jonction s’opérant par là. (…) En janvier 1988, la Mafia colombienne de la drogue publiait un communiqué destiné à rectifier l’opinion du public sur sa prétendue existence. La plus grande exigence d’une Mafia, où qu’elle puisse être constituée, est naturellement d’établir qu’elle n’existe pas, ou qu’elle a été victime de calomnies peu scientifiques ; et c’est son premier point de ressemblance avec le capitalisme. Mais en la circonstance, cette Mafia irritée d’être seule mise en vedette est allée jusqu’à évoquer les autres groupements qui voudraient se faire oublier en la prenant abusivement pour bouc émissaire. Elle déclare : “Nous n’appartenons pas, nous, à la mafia bureaucratique et politicienne, ni à celle des banquiers et des financiers, ni à celle des millionnaires, ni à la mafia des grands contrats frauduleux, à celle du monopole ou à celle du pétrole, ni à celle des grands moyens de communication.” (…) La tactique défensive de la Mafia ne pouvait jamais être que la suppression des témoignages, pour neutraliser la police et la justice, et faire régner dans sa sphère d’activité le secret qui lui est nécessaire. Elle a par la suite trouvé un champ nouveau dans le nouvel obscurantisme de la société du spectaculaire diffus, puis intégré : avec la victoire totale du secret, la démission générale des citoyens, la perte complète de la logique, et les progrès de la lâcheté et de la vénalité universelles, toutes les conditions favorables furent réunies pour qu’elle devînt une puissance moderne, et offensive (…). On se trompe chaque fois que l’on veut expliquer quelque chose en opposant la Mafia à l’État : ils ne sont jamais en rivalité. (…) La mafia n’est pas étrangère dans ce monde ; elle y est parfaitement chez elle. (…).”

Pardon de commencer par de longues et pesantes citations pour un livre que je suis censé préfacer et donc célébrer — ce que je vais faire sans délai, et sans le moindrement surjouer mon admiration — : c’est qu’en discutant avec Antoine, Marcival du nom, il me confessa qu’il ne connaissait pas assez bien Debord. Or, c’est non seulement une lacune qu’il est important que tu rattrapes, Antoine ; mais, surtout, qu’il est à mes yeux désormais imprescriptible de lire ce qui est pour moi la Bible politique de la modernité, Les commentaires sur la société du spectacle à point nommé, et le livre qu’on s’apprête à lire, Index obscurus. Je veux marquer le simple fait qu’à mes yeux, si le livre d’Antoine est à ce point un événement pour la pensée, c’est que la lecture des deux livres, que trente-cinq années séparent, est devenue à mes yeux inséparable. Index complète les Commentaires ; et pourtant, au futur antérieur, les Commentaires auront complété Index.

D’autant que l’auteur de ce dernier m’a confessé préparer, d’ores et déjà, plusieurs suites à son chef-d’œuvre d’historien, ce qui est une nouvelle merveilleuse. C’est qu’avec Index obscurus, nous assistons à la naissance d’un gigantesque historien des temps modernes que je ne lésine donc pas à comparer à Thucydide[3] : le plus éminent des historiens grecs, pour ceux qui l’ignoreraient, et l’un des auteurs de chevet de Debord (qui le cite d’abondance dans les Commentaires, avec une inflation parlante du mot « complot »). Une chose est sûre : le livre qu’on va lire a éclairé des propos des Commentaires qui, depuis le temps que je les lis, m’étaient restés obscurs (c’est le sens même de son titre, dialectiquement parlant).

D’une écriture remarquable, d’une érudition sans faille, trahissant un inlassable travail de documentation et de sourçage incessant, ponctuellement très drôle, mais le plus souvent horrifique, ce livre exceptionnel se boit comme du petit lait.

Et donc (je ne sais pourquoi ça me vient), comme me le dit mon père, le plus grand « complotiste » des vingt dernières années dans le pays d’où il vient : « bonne bourre, fiston ». Ce livre est une arme de combat irremplaçable dans le combat que nous menons tous contre la colonisation, c’est-à-dire la dégénérescence terminale, de ce que l’Occident avait de bon, contre la colonisation états-unienne.

[1] Que cite, de façon pédante, un Klaus Schwab, prouvant par là qu’il est un crétin et un inculte, puisqu’il en appelle à la création de « nouveaux récits » en se réclamant explicitement de Lyotard, lequel disait exactement le contraire : que notre époque (après l’effondrement, justement, du communisme, qui fut notre dernier « grand récit » occidental à se tenir) était celle de « la fin des grands récits ».

[2] Le principal défenseur de ce diagnostic est un très mauvais philosophe, répondant au nom de Francis Fukuyama : La fin de l’Histoire et le dernier homme, Paris, Flammarion, 1992. Le même, bien entendu, défend aujourd’hui, en couverture des magazines français, la guerre de la « civilisation » américaine et otanienne contre l’atroce « barbarie » russe sévissant dans l’Ukraine, le pays récemment encore le plus corrompu, prostitutionnel, drogué, dictatorial et plaque tournante de trafics d’enfants (un enfant sur dix en était victime) au monde : le magnifique Occident, dont Index Obscurus nous rappelle certains des principaux faits d’armes.

[3] La guerre du Péloponnèse, Paris, Gallimard, 2000.

Sommaire

SOMMAIRE

Préface de Mehdi Belhaj Kacem

Introduction

1. Fausse attaque de Puumala (1788)…………………………………..

2. Conspiration des poignards (1800)…………………………………..

3. Assassinat d’Abraham Lincoln (1865)……………………………….

4. Dépêche d’Ems (1870)……………………………………..

5. Les pétroleuses de la Commune ((1871)……………………………..

6. Massacre de Haymarket Square (1886)………………….

7. Affaire Dreyfus (1894)……………………………

8. Explosion de l’USS Maine (1898)………….

9. Naufrage du Lusitania (1915)……………………

10. Attentat de Wall Street (1920)………………

11. Incident de Mukden (1931)……………………..

12. Incendie du Reichstag (1933)…………………

13. Attentat de la place de l’Étoile (1937)…………………………

14. Opération Himmler ou incident de Gleiwitz (1939)……..

15. Attaque de Pearl Harbor ((1941)………………………

16. Opération Embarrass (1946- 1948 ) ………………..

17. Opération Mockingbird (1948 – en cours)…….

18. Opération Ajax (1953)……………………………..

19. Opération PBSuccess (1954)…………………………

20. Opération Susannah ou Affaire Lavon (1954)…………………

21. Attentat du consulat turc de Thessalonique (1955)…………

22. Attentat du train Strasbourg – Paris (1961)…………………….

23. Opération Mongoose (1961 – en cours)…………………………….

24. Assassinat de John F. Kennedy (1963)…………………………….

25. Opération Brother Sam (1964)……………………………………….

26. Incidents du golfe du Tonkin (1964)…………………………………

27. Assassinat de Malcolm X (1965) et Martin Luther King (1968)…

28. Coup d’État de Jakarta (1965)………………………………….

29. Attaque du USS Liberty (1967)………………………………………..

30. Programme Apollo (1961 –1972)……………………………..

31. Coup d’État au Chili (1973)……………………………………..

32. Opération Condor (années 1970)………………………………….

33. Opération Feuerzauber (1978)……………………………………..

34. Attentat de la gare de Bologne (1980)…………………………….

35. Attentat de l’Oktoberfest (1980)………………………………

36. Les Tueurs fous du Brabant (1982 – 1985)……………………

37. Attentats des aéroports de Rome et de Vienne (1985)……..

38. Attentat de la discothèque La Belle à Berlin (1986)………….

39. Contras et Irangate (1986)…………………………………………..

40. Assassinat de Thomas Sankara (1987)……………………………..

41. Charniers de Timisoara (1989)………………………………………….

42. Affaire des couveuses du Koweït (1991)……………………………

43. Attentat du World Trade Center (1993)……………………………….

44. Massacre du marché de Markale (1994)………………………………

45. Attentat de l’aéroport de Kigali (1994)…………………………………

46. Attentats du GIA en France (1995)……………………………..

47. Plan fer-à-cheval (1999)………………………………………………..

48. Attentat de l’USS Cole (2000)…………………………………

49. Attentats du 11 septembre (2001)…………………………………….

50. Attaque à l’anthrax ou bacille du charbon (2001)……………

51. Snipers de Caracas (2002)…………………………

52. Fiole d’anthrax du général Powell (2003)………………………..

53. Attentats de Madrid (2004)……………………………………………

54. Assassinat de Rafiq Hariri (2005)…………………………………..

55. Attentats de Londres (2005)…………………………………………….

56. Massacre de Benghazi (2011)…………………………………

57. Programme d’espionnage Prism (2013)……………………….

58. Massacre de la Ghouta (2013)…………………………………..

59. Snipers de la place Maïdan (2014)……………………………..

60. Destruction du vol MH17 (2014)…………………………………

61. Massacre d’Iguala (2014)………………………………………

62. Attentat contre Charlie Hebdo (2015)………………………….

63. Attaque du Bataclan (2015)………………………………………….

64. Incendie de Notre-Dame (2019)…………………………………….

65. « Pandémie » de Covid-19 (2020)…………………………………..

66. Sabotage du gazoduc Nordstream (2022)……………………..