Journées ordinaires d’un médecin ordinaire format ePub

Un médecin menacé pour avoir voulu soigner

10 

Collection : Auteur : Pages: 252 ISBN: 0782865533442

Description

Médecin spécialiste, praticien hospitalier, mais également mé- decin humanitaire et enseignant, le Dr ZL a exercé en tant que chercheur en neurosciences (INSERM) et médecin en CHU. Il travaille depuis 16 ans dans un centre hospitalier général.

Son journal de bord débute lors de la crise sanitaire liée au Covid-19. Il écrit quotidiennement entre novembre 2020 et décembre 2022, témoignage sur deux années consécutives de médecin de terrain. C’est une chronique hospitalière, mais aussi personnelle : il y raconte son métier vu de l’intérieur au sein de son hôpital, avec toutes ses dérives.

La crise «sanitaire» n’a fait que révéler la politique qui se poursuit en matière de santé publique : marchandisation, déshumanisation, quête du profit, médecine de masse. Il décrit, avec désespoir et un peu d’humour, la destruction du système de santé, mais aussi celle d’une société dans un monde en pleine mutation.

Ce livre est singulier par sa forme (journal de bord) et sa thématique (les coulisses de l’hôpital). C’est un souffle de liberté, un devoir aussi, dans une démocratie fragilisée.

L’auteur :

Le Dr ZL exerce dans un hôpital de l’ouest de la France. Il est contraint d’écrire sous couvert d’anonymat suite aux pressions subies et aux menaces de perdre son poste et son diplôme.

Postface du Pr Jean-Paul Bourdineaud

POSTFACE AU LIVRE DU DR Z. L. PAR LE PR JEAN-PAUL BOURDINEAUD

Jean-Paul Bourdineaud est professeur à l’Université de Bor- deaux où il enseigne la biochimie, la microbiologie et la toxico- logie. Ses recherches portent sur la toxicologie environnementale et la manière dont les organismes vivants réagissent face aux polluants environnementaux, aux niveaux moléculaires biochi- miques et génétiques. Il n’a aucun conflit d’intérêts.

Le Dr Z. L. a intitulé son récit «Journées ordinaires d’un médecin ordinaire » avec trop grande modestie. En effet, il est tout sauf un médecin ordinaire, en raison des valeurs profes- sionnelles et humaines qui sont les siennes et qui dirigent, et sa vie, et sa façon d’envisager son métier de médecin, mais également par un autre trait de son caractère qui est la dif- ficulté qui est la sienne à se soumettre à l’autorité dès lors qu’elle tente de lui en remontrer sans justifications raison- nables et indubitables.

1/ L’insurrection de Z. L.

Commençons par ce caractère rétif face aux oukases direc- toriaux : il refuse d’être vacciné contre le SARS-CoV-2 sans être renseigné et rassuré quant à la compatibilité de ces vac- cins génétiques d’avec les pathologies dont il souffre, ce qui est, nous en conviendrons, pleinement légitime et recevable, et pourtant la direction de son hôpital ne lui rétorquera que moqueries et refus de considérer sa position et les risques pour sa santé, et on l’abreuvera d’injonctions impérieuses comme l’on morigène un vilain garnement, une infantilisa- tion des résistants bien narrés par Z. L.; il refuse de prêter allégeances aux sommations jusqu’à la suspension et la perte de son salaire, dressé droit debout contre l’ARS et la direc- tion de son hôpital, camarillas inflexibles dans leur volonté de contraindre les récalcitrants. Il apparaît clairement dans le récit de Z. L. que mener à résipiscence les résistants et les plier à la volonté bureaucratique est bien plus important que le prétexte sanitaire invoqué: complaire au ministre Véran était bien la priorité.

page247image54959424 page247image54959632 page247image54959840 page247image54960048

imp_zl_journees ordinaires dun medecin.indd 247 07/04/2023 10:18

page248image54981216 page248image54978096 page248image54978512 page248image54977680

248

Dans ce contexte, Z. L. se demande «Pourquoi suis- je minoritaire parmi mes collègues médecins?» et «Quel est le point commun entre tous ces résistants?» Une partie de la réponse est la déclinaison des humains en deux grandes caté- gories : ceux qui se soumettent à l’autorité et ceux, beaucoup moins nombreux, qui refusent de lui obéir, et il convoque pour cela le psychologue Stanley Milgram et sa fameuse expérience. Et l’on assiste à l’intense harcèlement qu’a subi Z. L. conduit par la direction de son hôpital, mais également par des collègues venus régulièrement s’enquérir des inten- tions de Z. L., veules et en service commandé par la direc- tion, ayant opté pour le choix de la soumission. Le médecin référent «vaccination» de son établissement est même allé jusqu’à lui recommander de consulter un psychiatre.

2/ L’humanisme de Z. L.

Son humanisme est celui qu’il professe à l’égard de ses patients, constitué du respect de la personne, de l’écoute et de la prise en compte de leurs intérêts. Le serment d’Hip- pocrate n’est pas, pour le Dr Z. L., qu’une simple résur- gence folklorique d’un rituel corporatif: Z. L. n’a pas feint de prêter serment, qui l’engage moralement et participe à la structuration de sa personnalité et de son engagement pro- fessionnel. Le Dr Z. L. se montre profondément navré par les attaques contre l’hôpital public orchestrées par l’ARS et les gouvernements successifs depuis la loi de tarification de tous les actes à l’hôpital (2007), qui rend les soins plus oné- reux pour les malades, faisant basculer l’hôpital public dans le champ de l’économie marchande. La dégradation de la médecine hospitalière passe également par le développement des consultations à distance et de la sous-traitance dont nous entretient Z. L., et il traite ces sujets, pourtant navrants, avec humour. Les valeurs humanistes de Z. L. qui comprennent l’exigence d’égalité, de dignité et de libre accès des patients à l’hôpital (sans être entravés par un passe sanitaire), sont à l’opposé de celles des médecins de plateaux télévisés que l’on a vus envahir les écrans et qui sont tous alourdis par ce qui est appelé des «conflits d’intérêts». Les valeurs de ces gens- là ? La plus-value !

3/ La veine humoristique de Z. L.

Un aspect agréable du récit de Z. L. est l’humour quasi permanent qui ruisselle d’abondance: tour à tour c’est un humour à la Desproges, très pince-sans-rire et avec une

page248image54923536 page248image54923744 page248image54923952 page248image54924576

imp_zl_journees ordinaires dun medecin.indd 248 07/04/2023 10:18

page249image54950320 page249image54950528 page249image54950736 page249image54950944

249 pointe d’absurdité délibérée, ou bien des jeux de mots façon Devos, et un art tout célinien pour rendre comique les situa- tions les plus tragiques. Une verve et un burlesque présents
lors de son entretien d’avec le directeur de son hôpital, com- plètement arc-bouté sur sa décision première et dans son entêtement puéril, c’est à dire l’obligation faite à Z. L. de se vacciner, lui opposant de manière butée des ordres alors que
Z. L. lui fait valoir ses pathologies, le directeur allant même jusqu’à lui dire que si son état devait s’aggraver cela n’aurait aucune espèce d’importance dans l’immédiat, car la priorité
était d’être vacciné, et rageusement obstiné, refuse encore et toujours de transmettre une demande d’avis médical à l’ex-

pert de l’ARS pour exposer le cas particulier de Z. L.
La séquence de la quiche est un autre exemple merveil- leux où l’auteur Z. L. démontre son talent à raconter des choses en apparence badine sur un ton comique, mais qui cachent une réflexion tout en profondeur sur l’évolution de notre société. La boulangerie où Z. L. a l’habitude d’ache- ter ses quiches rondes vend maintenant des quiches carrées (s’ensuit une diatribe sur la géométrie du carré en boulan- gerie assez délectable), et Z. L., dans un dialogue jubilatoire, essaie d’expliquer à la très bornée boulangère toute la dif- férence entre quiches rondes et carrées, laquelle lui répond avec une grâce toute bovine « c’est pareil ». Que nous raconte la séquence de la quiche ? L’obsolescence des quiches rondes décidée par la boulangerie est le pendant du délitement de l’hôpital public décidé par nos gouvernants qui ont fermé des lits pendant la pandémie. L’anecdote du visiteur médi- cal venu vanter ses nouvelles électrodes connectées en est un exemple risible: l’ancien appareil qui fonctionne parfaite- ment est voué à finir au rebut, à la poubelle comme l’an- nonce, heureux et béat d’extase mercantile, le représentant

de commerce.

4/ Le récit intimiste

Le récit de Z. L. mêle la chronique hospitalière à celle personnelle, intime et privée, et nous vaut les épisodes de la promenade interdite par temps de confinement, le recours en justice transformé en injustice, le cours de physique avec sa fille, et l’hilarant épisode du passage pour piétons qui nous vaut une savoureuse étude sociologique des pré- posés en charge du passage des écoliers. Tout comme l’épi- sode de la quiche, celui du passage piétonnier, raconté sur la mode badin recèle en filigrane une morale: les tâches en

page249image54951152 page249image54951360 page249image54951568 page249image55000096

imp_zl_journees ordinaires dun medecin.indd 249 07/04/2023 10:18

page250image55194416 page250image55194624 page250image55194832 page250image55195040

apparence les plus simples demandent en réalité la capacité de réagir avec intelligence et souplesse, plutôt que l’applica- tion bornée de procédures préétablies. Il s’agit bien entendu d’une parabole de l’incompétence de ceux qui ont pour charge l’administration des hôpitaux, embastillés qu’ils sont dans leur rigidité bureaucratique et craignant en permanence les foudres de l’ARS. On en arrive à l’absurdité suivante où la direction de l’hôpital suspend les non-vaccinés, mais fait appel au bénévolat pour aider les collègues d’outre-mer.

En définitive, le Dr Z. L. est l’extraordinaire médecin que toute personne ordinaire désirerait avoir: humain, dévoué, respectant ses patients, et loyal serviteur de l’État et de la République qui défend l’hôpital public contre tous ceux qui le détruisent en prétendant le moderniser.

Dr, j'aimerais me faire vacciner...

2 avril 2021

– Docteur, j’aimerais me faire vacciner, qu’en pensez-vous ?

– Bien sûr qu’il faut vous faire vacciner contre le covid ! Vous êtes très fragile, vous avez 68 ans et immunodéprimé suite à votre chimiothérapie pour votre cancer du poumon. Et vous avez fait des complications neurologiques en plus. Alors, allez-y, vaccinez-vous !

Je lui remets une ordonnance.
Quelques heures plus tard, je revois mon patient.

– Docteur, vous savez, je suis en colère. Je suis allé au centre de vaccination comme vous me l’aviez recommandé et le personnel de santé sur place a refusé de me vacciner car je ne rentre pas dans les critères !

Toutes les personnes de 70 ans et plus (ou faisant parties des rares exceptions énoncées par le gouvernement) peuvent avoir accès à la vaccination anti-covid.

– Comment cela ? Les malades atteints d’un cancer sous chimiothérapie font pourtant partis des indications nationales !

– Oui, mais moi, je viens de finir ma dernière cure de chimiothérapie la semaine dernière, donc je ne suis plus considéré comme « EN COURS » de chimiothérapie ! Mon traitement étant fini, je ne suis plus éligible à la vaccination !

Que répondre à ce patient ? Il a raison, il est à risque de forme grave de covid et devrait pouvoir bénéficier de la vaccination.

Ensuite, je reçois une jeune fille de 26 ans lourdement handicapée avec sa maman.

– Docteur, pouvez-vous me faire une ordonnance pour que ma fille puisse se faire vacciner contre le covid ?

– Et bien, je ne peux pas.

– Ah bon ? Mais j’ai peur pour elle. Vous ne considérez pas qu’elle devrait se faire vacciner ?

– Si, j’en suis convaincu. Elle est atteinte d’une encéphalopathie épileptique très rare…

– Et vous le savez docteur, la moindre infection ou fièvre engendre des crises d’épilepsie très graves.

– Je sais bien Madame, puisqu’à chaque fois, elle est admise en urgence en réanimation.

– Et elle a failli mourir plusieurs fois, vous le savez bien !

– Oui, c’est exact.

– J’ai peur pour ma fille, si jamais elle attrape le covid, cela peut être fatal pour elle ! Que faire Docteur ? Aidez-moi !

Et là encore, je prends conscience de mon impuissance. C’est la première fois en tant que médecin que je me trouve dans une situation pareille : médecin non-prescripteur ! Je suis en porte à faux avec mes patients.

Hippocrate, je trahis ton serment.

On doit se conformer de façon obligatoire aux protocoles de soins covid imposés par l’ARS (Agence Régionale de Santé). La prescription médicale n’a plus de valeur si mes patients ne rentrent pas dans les critères d’inclusion ordonnés par le gouvernement, même si en tant que médecin, j’estime que dans leurs cas particuliers, ils sont fragiles et qu’il est de mon devoir au vu des connaissances actuelles sur le plan déontologique de les protéger et donc de les vacciner.

Déjà, nous avions eu des prémices avec l’hydroxychloroquine : les médecins se sont retrouvés interdit de prescription car ce traitement (peu coûteux, connu de longue date) ne rentrait pas dans le protocole établi par mes collègues infectiologues, chiens de garde bien-pensants de la direction hospitalière elle- même sous les ordres des ARS. Pas d’hydroxychloroquine, au nom du principe de précaution. Soit.

Mais pour les vaccins ? Ce principe s’est volatilisé. Nous avons débuté la vaccination uniquement sur les 70 ans et plus, c’est-à dire la tranche d’âge qui n’a pas été testée dans les études pharmaceutiques avec des vaccins dont les mécanismes d’action à long terme ne sont pas encore connus.

Les tests covid ? Pas de problème ! Ils sont prescrits en masse, sans limite et sans que l’on se pose la question de leur pertinence.

« J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance… Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. »

La prescription d’un test de dépistage covid est faite à mes patients hospitalisés sans que je le sache (parfois tous les mois) par une infirmière prescriptrice automate fière de ce nouveau privilège sans y voir derrière l’instrumentalisation qui en est faite. Le trou de la sécu ? Quel trou ?

L’infirmière teste, le médecin vaccine. Les rôles sont redéfinis. On obéit sagement pour le bien de l’humanité.

Nous traversons une crise sanitaire grave : je réalise qu’en tant que médecin, je suis en train de perdre ma qualité de prescripteur et donc quelque part, ma fonction originelle.

Je deviens un soldat, un exécutant, un homme obéissant, quoi de plus naturel en somme ? En tout cas, le médecin que je suis reste une poupée qui fait non, non, non, non…
Toute la journée, non, non, non, non…