Sacré art contemporain

Aude de Kerros

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Collection : Auteur : Pages: 224 ISBN: 9782865532339

Description

Évêques, Inspecteurs et Commissaires 

Le livre évoque une controverse artistique et intellectuelle qui traverse notre époque sous l’angle particulier du lien qui existe entre la création, l’art et le sacré.

Depuis plusieurs décennies existent des relations nouvelles entre le religieux, le sacré et l’art subventionné par l’Etat.  C’est au départ  une querelle de clercs, mais elle apparaît aujourd’hui de façon récurrente dans les grands médias. Trois scandales récents ont entraîné des réactions de la rue.

Le livre commence par l’évocation des affaires « Piss Christ », Castellucci (« Sur le visage du Christ ») et Garcia (« Golgotha picnic »)…

Un  art, subventionné par l’Etat, fondé sur le choc, le blasphème et la provocation, pose désormais problème. Le phénomène  dépasse le milieu de l’art de l’Eglise et du Ministère de la culture et rejoint les préoccupations de l’homme ordinaire.  Ces spectacles sont très visibles grâce à l’argent public et remettent en cause les  valeurs, les croyances et l’imaginaire de chacun.

– Que s’est-il passé en France dans le domaine de l’Art Sacré, ces dernières décennies ? Comment s’est élaborée l’alliance qui existe aujourd’hui entre l’Eglise et l’Etat ? Quelles en sont les conséquences. L’Eglise fait aujourd’hui la promotion de l’Art Contemporain et légitime le monopole de l’Etat sur tous les aspects de la création. .

– À quoi sert « l’Art contemporain dans les Eglises »? Qui instrumentalise qui? Quelles idées, quel discours, quelle « théologie » de l’Art Contemporain président à cette étroite collaboration des quatre clergés : ecclésiastiques, inspecteurs de la création, journalistes, universitaires ?…

Informations complémentaires

Poids0.3 kg
Dimensions22 × 14 × 2.1 cm

Extrait

Naissance d’un art sacré

On parle d’exception française dans le domaine de la culture et de l’art. A juste raison, car rien ne ressemble  dans le monde à l’étrange système  qui gouverne l’art en France.

A partir du début de la Troisième République, l’Etat abandonne son rôle de mentor des arts et de la création.  Pourtant entre 1870 et 1958, la France a connu un rayonnement artistique universel.  C’était le lieu où l’on pouvait trouver à la fois les avant-gardes venues de partout et les savoirs académiques, le goût, le grand métier. Le milieu de l’art était le cœur de ce monde si fécond pour la création.  Tout le monde se parlait, se liait d’amitié, ou se disputait sans que l’opinion, la religion, le niveau de fortune, la nationalité, soient un obstacle. On accourrait pour s’y confronter ou pour être les premiers à voir les œuvres qui naissaient de cet essaim.

En 1958 fut crée un Ministère de la Culture qui eut l’excellente ambition de mettre les arts à la portée de tous. En 1982 ce ministère se métamorphosa en une bureaucratie de la création. Un corps de fonctionnaires vit le jour, répondant au nom d’ « Inspecteurs de la Création ».

Ainsi l’art officiel refit son apparition en France à la fin du XXe siècle. Il fut, il est encore trente ans plus tard, radicalement conceptuel. Il rejette comme impure ou archaïque toute autre forme de création.  Les inspecteurs de la création remplissent simultanément toutes les fonctions. Non seulement ils administrent, mais ils mettent aussi  la casquette de commissaires d’expositions et énoncent des doctrines et des théories sur l’art. Ils choisissent sans dévoiler les critères et ne rendent des comptes à personne. La légitimité de l’Etat et l’ampleur de ses budgets les rendent tout puissants. Ils se déclarent seuls experts pour juger de ce qui est de l’art et de ce qui ne l’est pas. Ils font alliance avec des galeries plus ou moins représentatives d’une fraction  du marché, notamment international et financier. Il en est de même pour quelques collectionneurs. Les médias, bien traités par ces prescripteurs qui se disent « scientifiques », ratifient leurs choix en les rendant visibles.

Cependant  la légitimité de cet art imposé bureaucratiquement  n’est pas acquise.

Inquiets d’une contestation et d’un jugement négatif de l’Histoire, les fonctionnaires de l’art ont trouvé une solution inédite pour compenser l’absence d’adhésion du public et d’un vrai marché: l’introduction par la commande publique des œuvres d’Art contemporain à promouvoir au Louvre, à Versailles, dans les grands monuments et tout particulièrement dans le patrimoine religieux. En les sanctuarisant, ils ont rendu l’art officiel vertueux, incritiquable et tabou

L’histoire de la création d’un art sacré d’Etat est mal connue et mérite que l’on en comprenne les enchaînements et les évènements marquants.

On commencera  par la description d’une crise surgie en 2011. Ce fut la réaction violente à une exposition et à deux happenings théâtraux subventionnés et jugés blasphématoires. Cette façon de réagir n’est pas dans les habitudes françaises et constitue une nouveauté. Certes, on peut  y voir un  écho, vingt ans après, des « guerres culturelles » en Amérique, mais c’est aussi l’aboutissement inattendu et paradoxal d’une collaboration trentenaire entre l’Etat et l’Eglise de France.