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A propos de l’épargne de liberté

Par Charles Gave

29 mai, 2017

Nous sommes dans une période bien éprouvante intellectuellement. Et du coup, je me dis qu’il est urgent de parler d’autre chose que de politique, tant tous ceux qui sont autorisés à parler de politique dans notre beau pays souffrent à l’évidence d’un électro-encéphalogramme plat.

Ce qui m’amène à une première question : comment rester libre individuellement dans un monde qui hait de façon évidente la liberté ?

A cette interrogation, il y a toujours eu deux réponses.

  1. La première, celle du déserteur de Boris Vian (Monsieur le Président, je vous fais une lettre…) est de n’avoir RIEN et de n’être attaché à personne. Saint Jean Baptiste, qui marchait pieds nus dans le désert, bouffait des sauterelles et était revêtu de peaux de bêtes, était libre autant qu’on peut l’être, comme l’ont été après lui bien des saints tels Saint François d’Assise. Nelson Mandela avait coutume de dire qu’il n’avait jamais été aussi libre qu’en prison. J’admire, mais cette liberté n’est pas pour moi.
  2. La deuxième, c’est celle à laquelle fait allusion la sagesse populaire américaine pour qui être libre c’est avoir une épargne suffisante pour envoyer paître ceux qui vous ennuient. Cela s’appelle le «fuck you»money qui peut se traduire par « J’ai suffisamment de réserves financières pour dire au petit chef qui me martyrise au travail d’aller se faire foutre ». C’est une très belle notion. Cette seconde forme de liberté individuelle, on l’acquière par l’épargne, soit personnelle (ce qui prend un temps fou), soit si on a eu la chance d’avoir un parent ou un ancêtre qui a bien voulu épargner pour ses descendants. Comme le disait Benjamin Franklin « la vertu d’épargne est une vertu admirable – chez un ancêtre » Et comme les hommes libres sont les ennemis naturels des « Oints du Seigneur », et que ceux-ci dominent le monde, tout sera fait pour empêcher le citoyen de base de devenir libre (financièrement), et donc de se constituer une épargne « de liberté », les moyens les plus sûrs étant la taxation et les avantages fiscaux donnés aux saloperies que favorisent nos ODS.

Ces points étant acquis, il me faut maintenant faire l’hypothèse que les lecteurs de l’IDL, en bonnes petites fourmis vaillantes ont une épargne et que cette épargne doit être investie intelligemment, le but final étant de devenir libre ou de le rester.

Et à ce propos, je tiens à faire remarquer que l’une des missions que s’est fixé l’Institut des Libertés est d’aider ses lecteurs à « structurer » cette épargne de liberté de façon à ce qu’elle ne soit pas capturée par nos chers ODS. Et quand je dis « structurer », je veux parler d’une stratégie de placements qui devrait rester valable pour les quelques années qui viennent sans qu’il soit nécessaire de bouger tout le temps.

Dans cet esprit, le nouveau conseil que j’émets pour les lecteurs de l’IDL est de se bourrer lentement mais surement d’actions japonaises.

Et voici pourquoi.

  • Le rendement moyen des actions japonaises est de 2 %, avec la part des bénéfices distribués en dividendes la plus faible de tous les marchés de l’OCDE (moins de 40 %).
  • Ce chiffre est à rapprocher du rendement sur les obligations japonaises à 10 ans qui est à 0 % et du rendement des obligations françaises à 10 ans également qui est lui à 0.8 %.
  • Plus de 50 % des sociétés japonaises n’ont plus AUCUNE dette nette dans leurs bilans.
  • Ces mêmes sociétés japonaises ont plus de 3000 milliards de dollar de CASH dans leurs livres, ce qui couvre près de 20 % de leur capitalisation boursière, déjà très basses.
  • Et ces achats peuvent être effectués dans une monnaie qui est aujourd’hui à deux écarts types sous-évaluée par rapport à sa parité des pouvoirs d’achat vis-à-vis du dollar. Le lecteur achètera donc des actifs sous évaluées dans une monnaie sous-évaluée, ce qui devrait lui permettre de dormir paisiblement pendant fort longtemps…
  • Les sociétés japonaises continuent en plus à générer du cash de façon impressionnante et ce cash est de plus en plus utilisé soit à racheter leurs propres titres, soit à augmenter leurs dividendes ce qui devrait être très favorable aux cours de ces dites sociétés.
  • Les grands investisseurs institutionnels dans le monde ont délaissé depuis longtemps le marché japonais qui est 50 % plus bas que son plus haut atteint en décembre 1989. Vingt-sept ans de marché baissier, interrompu par quelques reprises temporaires qui furent autant de faux départs, même les plus tenaces sont découragés.

« Intéressant », va me dire le lecteur mais « tout le monde sait que le Japon va très mal parce qu’ils sont vieux et très endettés ».

D’accord, ils sont vieux.  (Et alors ? Moi aussi je suis vieux…)

Certes, mais cela veut dire que les sociétés Japonaises ont le « leadership » mondial dans toutes les activités qui touchent au vieillissement des populations qui va se produire PARTOUT. Si vous voulez acheter des sociétés de robotique, la moitié des sociétés cotées sont au Japon. Si vous voulez acheter des sociétés pharmaceutiques spécialisées dans les maladies dégénératives du cerveau liées à la vieillesse, c’est au Japon que vous les trouverez. Si vous voulez dénicher des entreprises qui se sont spécialisées dans l’aide à la mobilité, ne cherchez pas, elles sont au pays du soleil levant. Soigner les gens à la maison ? C’est au Japon qu’ils le font le mieux…

Ensuite, un grand nombre de sociétés japonaises ont massivement investi depuis trente ans dans les pays asiatiques environnants. Les bases industrielles de la Thaïlande ou de Taiwan ont ainsi été de fait créés de toutes pièces par les Japonais qui investissent massivement en Inde en ce moment. Et donc la vulnérabilité des sociétés locales au déclin démographique japonais est très exagérée, puisqu’elles ont investi dans des structures de population parfaitement saines à long terme, en dehors du Japon.

Ensuite, ils sont endettés comme aucun pays au monde.

Voilà l’exemple même du faux constat. Le particulier japonais, comme les sociétés locales n’ont quasiment plus de dettes. L’État, en revanche, a une énorme dette. Et cette dette est détenue à près de 100 % par… les sociétés ou les particuliers japonais. Ce qui veut dire qu’en comptes consolidés, le Japon n’a pas de dettes, dans la mesure où une entité ne peut pas être endettée vis-à-vis d’elle-même.

Qui plus est, la banque centrale japonaise (BOJ) est en train de racheter cette dette et elle en détient déjà près de 50% du total émis. Admettons que la BOJ continue à acheter les obligations émises par le Trésor nippon et que dans trois ans elle en détienne 100 %.  A ce moment-là, imaginons encore que le gouvernement japonais décide de fusionner le Trésor et la banque centrale. Cette fusion effectuée, le gouvernement annule toutes les dettes. Le Trésor fait un gain gigantesque compensé yen pour yen par une perte de la banque centrale. Et qu’est qui se passe ?

Rien, sinon que le monde entier réalise que le Japon est le seul pays à ne plus avoir de dettes à son bilan.  Et tout le monde de se précipiter pour acheter du yen et des actions japonais.  Ce que je veux dire est simple : la France a une dette importante puisque 65 % de sa dette étatique est détenue par des étrangers dans une monnaie que la France ne contrôle pas. La France est donc endettée. Le Japon par contre, dont la dette est détenue par des entités nationales et dont la dette est en en yen, n’a pas de dettes, pas plus que la Chine d’ailleurs.

Et enfin, cerise cyclique sur le gâteau structurel, le secteur privé depuis deux ans se développe beaucoup plus vite que le secteur public pour la première fois depuis trente ans. Et donc les rentrées fiscales vont bondir, ce qui fait que les émissions d’obligations nouvelles vont sérieusement ralentir et que le Japon risque de passer en excédent budgétaire d’ici quelque temps…

Conclusion : Il existe de multiples fonds « actions » japonaises en Europe et en France, gérés par des maisons de qualité, je pense par exemple à Comgest à Invesco ou à Fidelity. Acheter ces fonds et dormir dessus après les avoir collé dans une assurance vie me semble le type même de l’investissement « pile je gagne, face … je gagne aussi », alors que garder des fonds investis en obligations françaises ou européennes me parait le type même de l’investissement « pile je perds, et face je perds aussi ».

Et, ce faisant (pan, pan !), je ferais monter mon coefficient de liberté personnelle à moyen terme, sans doute aucun, ce qui reste l’objectif essentiel.