Publié le

La Structure de l’Histoire, mon dernier livre

Par Philippe Fabry

 

Mon nouveau livre, La Structure de l’Histoire, est disponible depuis une semaine. Mes lecteurs me pardonneront de ne prendre qu’aujourd’hui le temps de le présenter.

Structure photo

De tous les livres que j’ai publié jusqu’à présent, il est sans doute celui dont je suis le plus fier. Il est aussi le plus difficile à présenter succinctement, car j’y expose simultanément plusieurs thèses. Cela a d’ailleurs été un casse-tête lorsqu’il s’est agit de trouver le titre de ce livre, aucun ne pouvant recouvrir parfaitement la totalité des sujets abordés. J’ai tenté cependant, avec l’ajout du sous-titre Déterminisme historique et liberté individuelle de mettre en exergue le sujet le plus transversal du livre.

Il me semble que la meilleure façon de donner une idée du contenu du livre est de les énumérer en les résumant très brièvement – leur entrelacs naturel imposant certaines redites de l’une à l’autre.

– On constate que tous les grands Etats-nations (seront évoqués la France, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Espagne, la Russie, la Turquie, la Suède, le Danemark, l’Iran, le Maroc, la Bohême médiévale, la cité de Florence médiévale, l’Athènes antique) sont le produit d’une trajectoire similaire, d’environ six siècles, qui conduit un espace territorial morcelé politiquement, évoluant dans un régime féodal et une économie de subsistance, aux échanges minimes, à devenir un Etat territorial unifié, doté d’un gouvernement central, d’abord monarchique et autoritaire, qui devient parlementaire au terme d’un mouvement de révolution durant un peu moins d’un demi-siècle.

Cette trajectoire historique commune a la particularité d’avoir une durée approximative constante d’un pays à l’autre, mais aussi un rythme constant, avec une succession d’étapes dont la durée est elle-même toujours du même ordre de grandeur, pour autant que n’intervienne pas de grande perturbation extérieure (invasion, occupation, vassalisation).

– Contrairement aux apparences, chaque Etat-nation historique, c’est-à-dire suffisamment ancien, non produit d’un découpage colonial, a donc connu une trame d’évolution essentiellement identique à tous les autres ; les spécificités nationales relèvent essentiellement de l’accidentel, du superficiel. Et la plupart des théories historiques, souvent à usage de justification politique, sont fausses.

Par exemple, il est en fait absurde de faire de la Révolution française un événement historique exceptionnel : ce n’est que l’occurrence française d’un phénomène parfaitement banal affectant tout Etat-nation à un moment de son histoire.

Ou encore, il est faux de dire que tel pays, par exemple la Russie, a besoin plus que d’autres d’un pouvoir fort : c’est confondre une caractéristique temporelle, correspondant à une étape d’évolution, avec une caractéristique essentielle. Autrement dit, si la Russie semble moins apte à la démocratie que les pays d’Europe de l’Ouest, c’est simplement qu’elle a quelques siècles ou décennies de retard (selon que l’on prenne comme repère l’Angleterre ou l’Allemagne).

Inversement, la connaissance et la compréhension de ce profond déterminisme historique, sur lequel vient se greffer la contingence de la réalisation (comme la pousse d’un arbre, pour nécessaire qu’elle soit, doit tenir compte des aléas de son environnement, par exemple en se tordant pour contourner une roche) permet de résoudre définitivement certains « mystères » de l’Histoire, comme l’ascension d’Hitler et du nazisme ou celle de Napoléon.

– L’identification de la trame commune permet de mesurer ce qui relève véritablement de la liberté humaine entendue en son sens usuel, c’est-à-dire l’autodétermination, la capacité à « changer le cours de l’Histoire », et ce qui, du fait de l’inertie des masses et de l’évolution nécessaire, mécanique des sociétés, est rigoureusement inévitable et contre quoi il est inutile de lutter.

Cela a une utilité évidente au plan politique.

Mais cela a aussi une grande utilité au plan scientifique, car mesurer la part de l’inconnaissable, de l’imprévisible, de l’immensurable est justement ce qui permet à une discipline scientifique d’être prédictive, et c’est en définitive la principale différence entre les sciences dites sociales et les sciences dites dures, ou exactes. Se rendre capable de faire la part du déterminant et du négligeable, du certain et de l’incertain, doit donc permettre de faire passer, au moins partiellement, l’Histoire de la première à la deuxième catégorie.

– Par cette démarche comparative, je parviens en effet à formuler mes premières « lois de l’Histoire », c’est-à-dire les règles sous-jacentes, dégagées de manière empirique, et qui permettent de rendre compte de cette évolution identique, et sur un rythme similaire, des grands Etats-nations. C’est-à-dire que, pour la première fois depuis quinze ans que je travaille ces questions, je parviens non seulement à montrer l’existence de trajectoires historiques récurrentes, un modèle, mais aussi à expliquer ce modèle, pourquoi cette trajectoire se retrouve partout. C’est le premier pas vers une formulation rigoureuse de cette historionomie que j’annonce depuis maintenant trois livres.

La Structure de l’Histoire, à travers l’exposition de ces thèses, m’est encore l’occasion d’aborder incidemment des dizaines de sujets et de questionnements historiques classiques, sur des pans plus ou moins large de l’Histoire européenne. En refermant ce livre, je pense que tout lecteur verra l’Histoire européenne, et même celle du Moyen-Orient, d’un oeil différent, beaucoup plus ordonnée et moins chaotique qu’il n’y paraît. Et plus largement, au plan philosophique, vous comprendrez mieux quelle est la place de l’individu au milieu du flot de l’Histoire.