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Petit cours sur les origines de la croissance économique

Étude de cas sur l’Italie 

Pour qu’il y ait croissance économique, il faut que trois personnes « jouent » harmonieusement entre elles, sans trop se disputer. Ces trois personnes sont le travailleur, le rentier et l’entrepreneur.

  • Le travailleur offre sa force de travail et disait Locke, l’un des pères du Libéralisme, nul ne peut lui voler le produit de son travail, ce qui sous-entend que l’esclavage est interdit.
  • Le rentier dispose de ce bien rare entre tous qu’est le capital et veut bien le prêter, à condition de toucher sa rente et d’être certain de revoir son capital à la fin du contrat.
  • L’entrepreneur quant à lui achète le travail, paie le coût du capital et prend des risques en combinant capital et travail du mieux qu’il le peut. Si le produit des ventes qu’il a effectuées est supérieur à ce qu’il a payé pour avoir accès au travail et au capital, il fait un profit et bien sûr c’est de l’apparition de ce profit et de son réinvestissement judicieux que dépend la croissance.

Laissons tomber pour l’instant le travail et concentrons-nous sur le capital.

En fait, le capital est rémunéré deux fois :

  • Une première fois, il paie son détenteur si celui-ci accepte de différer sa consommation immédiate et pour cela il va toucher un intérêt annuel, et à la fin du contrat, il reverra son capital, intact en termes monétaires s’il l’a prêté a quelqu’un dont il est sûr à 100 % qu’il le remboursera et dans nos sociétés modernes cette entité est l’État.
  • Mais ce capital pourra être emprunté par un entrepreneur et non pas confié à l’Etat, et il est loin d’être certain que cet entrepreneur sera capable de rembourser. Le coût de cet emprunt pour notre entrepreneur devra donc être égal au coût de la rente (le temps qui passe) auquel il nous faut additionner le coût du risque (la possibilité pour celui qui prête de ne pas être remboursé).  Ce nouveau coût devra être supérieur au coût de la rente, mais inferieur à la rentabilité moyenne du capital, tant il est vrai que pas un entrepreneur ne peut réussir si le coût de ses emprunts est supérieur à la rentabilité de ses investissements. Si vous empruntez à 6 % pour investir à 3 %, la faillite vous guette…

Imaginons maintenant qu’un gouvernement complètement incompétent (si, si, ça existe…) décide de faire écrouler la rentabilité des entrepreneurs locaux au profit des rentiers locaux, par exemple en réévaluant massivement sa monnaie contre celle des principaux concurrents du pays.

La rentabilité du capital s’effondrera, les entrepreneurs ne pourront plus servir leurs dettes, feront faillite, les banques suivront et l’économie partira en dépression.

C’est exactement ce que fît Churchill, chancelier de l’échiquier, en 1924 quand il réévalua la Livre sterling à son cours de 1914 et déclencha de ce fait une très belle dépression au Royaume-Uni.

Et tous les historiens de l’économie de nous dire qu’il s’agissait là d’une des erreurs économiques les plus imbéciles de tous les temps, tout en se gaussant de ce pauvre Winston, qui sût se reprendre en chef de guerre, mais resta toute sa vie d’une incompétence sidérante dans le domaine de l’économie.

Mais le plus extraordinaire est que cette erreur, cela fait vingt ans que nous la commettons en Europe avec l’Euro, que les conséquences sont les mêmes qu’en Grande-Bretagne en 1924, et que nous persévérons dans ce qui apparaîtra aux yeux des historiens du futur comme l’une des plus grandes imbécillités monétaires de tous les temps.

Mais nous arrivons sans doute à la fin de l’idiotie, et c’est l’Italie qui va siffler la fin de la récréation.

Explications.

Commençons par une évidence.

La rentabilité du rentier entre l’Italie et l’Allemagne doit être la même sur le long terme. Si cela n’était pas le cas, tous les rentiers italiens iraient investir en Allemagne ou vice versa, une monnaie baisserait avec des taux d’intérêts qui montent, l’autre monterait avec des taux d’intérêts qui baissent, pour arriver à un moment où les deux rentabilités seraient égales.

Vérifions cette proposition de principe en calculant le ratio de la rentabilité entre un rentier allemand- qui achèterait une obligation allemande et un rentier italien qui achèterait celle de son pays.

Voici ce ratio.

De 1975 à 1995, les taux d’intérêt sont plus élevés en Italie qu’en Allemagne, mais la monnaie italienne se casse la figure par rapport au DM, pour compenser, et le résultat net est que les rentiers italiens et allemands touchent à peu près la même chose puisque le ratio est complètement plat, ce qui est normal.

Hélas, la décision est prise par l’Italie en 1997 d’avoir un taux de change fixe avec l’Allemagne, au travers de l’Euro. En conséquence les taux d’intérêt s’écroulent en Italie, ce qui fait la fortune de ceux qui détenaient des obligations longues italiennes. Mon ratio passe brutalement de 50 à 100.

Du coup, le rentier italien gagne DEUX FOIS PLUS que ce à quoi il s’attendait…  Bien entendu, il est fou de joie, et on le comprend. L’immobilier monte énormément, à cause de la baisse des taux italiens convergeant vers les taux allemands ce qui accroît la satisfaction de mon rentier.

Mais, comme le disait Milton Friedmann, « un repas gratuit, ça n’existe pas », ce qui veut dire que quelqu’un d’autre dans le système italien a dû payer ce qui est dans le fonds un incroyable transfert de richesse vers les rentiers, sans que ceux-ci ne l’aient en rien mérité.

Et à ce point du raisonnement, il me faut poser la question aux lecteurs de l’IDL : à leur avis, QUI A PAYÉ ce bonus inespéré à ceux qui ne voulaient pas prendre de risques ?

La réponse est évidente hélas, et il s’agit bien sûr des entrepreneurs italiens et c’est ce que montre le graphique suivant.

L’Euro a donc été un jeu a somme nulle pour les détenteurs du capital italien : les rentiers se sont enrichis comme des malades, tandis que les entrepreneurs se sont appauvris du même montant et voilà tout.

Mais je crois avoir écrit au début de ce papier que seuls les entrepreneurs étaient à l’origine de la croissance économique, et donc la croissance italienne s’est complètement effondrée après la création de l’Euro, suivant en cela l’effondrement de la rentabilité des entrepreneurs italiens, ce dont témoigne le deuxième graphique qui montre simplement que depuis vingt ans, il valait mieux être un rentier qu’un entrepreneur en Italie puisque la rentabilité du capital s’est effondrée, passant en dessous du coût du capital.

Arrive un moment où les entrepreneurs ne peuvent plus non seulement payer le coût du risque, mais encore moins le coût de la rente, puisque les taux d’intérêt de la rente sont au-dessus de la rentabilité du capital après prise de risque, ce qui est le cas en Italie aujourd’hui.

Déjà, les taux sur les obligations longues se tendent en Italie et sont passés au-dessus du taux de croissance, ce qui veut dire que l’État italien emprunte à 3 .5 % tandis que les rentrées fiscales montent de 1 % par an (la croissance du PIB), ce qui n’est guère durable et prouve que l’Italie est en train de rentrer à toute allure dans ce que Keynes appelait une « trappe a dettes », qui toujours aboutit à la faillite de l’emprunteur.

Qui va payer la rente dans le futur puisque l’entrepreneur ne le peut plus ?

Voilà LA question essentielle aujourd’hui et la réponse est toute simple :  le secteur privé en Italie ne peut la servir et donc l’État italien va faire faillite si l’Italie reste dans l’Euro.

La seule solution est que les rentiers italiens « rendent » l’incroyable transfert de richesse dont ils ont été les bénéficiaires à ceux qui leur ont payé, les entrepreneurs italiens.

 

Le retour de la Lire qui devrait baisser de 40 % est donc la seule solution, ce qui implique la disparition de l’Euro.

Si la Lire revenait et baissait de 40 %, le rentier italien verrait son revenu baisser de 40 % certes, mais les entrepreneurs verraient le leur monter d’autant et la croissance pourrait reprendre, le coût du capital passant à nouveau en dessous de la rentabilité du capital…

Il faut donc sortir de l’Euro et recréer la Lire, ce qui est difficile comme l’exemple français l’a montré. Heureusement, la majorité italienne a fort bien compris les leçons de l’élection présidentielle française : en aucun cas il ne faut parler de la monnaie, car cela alarme les rentiers. Il faut concentrer le tir sur la souveraineté budgétaire (dépenses budgétaires en augmentations) et sur la souveraineté des frontières (mot code pour l’immigration), la monnaie suivra en temps utile.

Un jour Bruxelles dira non et lorsque le clash sera bien engagé, la nouvelle majorité dissoudra le Parlement pour demander au Peuple italien : « qui est le Souverain.  Le Peuple italien ou la Commission » ? Poser la question, c’est y répondre, et à la minute où les nouvelles élections seront annoncées, l’Euro aura vécu et il faudra attendre quelques semaines avant de prendre l’avion pour aller acheter en Toscane la maison dont vous avez toujours rêvé, le temps que les banques locales rouvrent leurs portes.