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Quand un Empire montant s’oppose à un Empire déclinant…

 

Louis (mon fils) et moi avons écrit récemment un livre disponible sur Amazon (A lire pour ceux qui parlent l’Anglais), et qui s’intitule : « Clash of Empires : Currencies and Power in a Multipolar World ». Le but de ce savant ouvrage est d’expliquer que l’opposition frontale entre la Chine et les Etats-Unis que l’on constate aujourd’hui n’est pas une guerre commerciale comme semble le penser la presse, mais une guerre monétaire. Explications.

Depuis 1945, chaque fois qu’un pays ou une zone a eu des excédents d’épargne, ces excédents ont toujours été recyclés aux USA par Wall-Street, les pays excédentaires achetant des obligations de l’Etat américain. Et donc le déficit extérieur des Etats-Unis finançait et finance encore le déficit budgétaire… C’est ce que Rueff appelait le « privilège impérial ». Or toute la politique de la Chine depuis deux décennies au moins est de mettre au point les outils qui permettront à la Chine de gérer et ses excédents d’épargne et ceux du continent asiatique, ce qui forcerait les USA à cesser de cesser de vivre au-dessus de leurs moyens et les amènerait sans doute à couper massivement leurs dépenses militaires.

Que le lecteur me comprenne bien : en aucun cas je ne dis que les Chinois veulent que le yuan devienne monnaie de réserve. Ce n’est pas leur but. Ce qu’ils veulent, c’est pouvoir payer leurs importations dans leur monnaie sans passer par le dollar, en particulier pour le pétrole. Passer par le dollar, c’est accepter la suzeraineté monétaire et juridique des USA, ce qui devient de plus en plus insupportable compte tenu du fait que les Etats-Unis ont décidé que quiconque utilisant le dollar DEVAIT RESPECTER les lois US et être jugé devant des tribunaux US en cas de désaccords (cf. l’affaire BNP ou l’interdiction à l’Europe de faire du commerce avec l’Iran en dollars etc…) Voilà qui est une atteinte intolérable à la souveraineté de tous les autres pays, et comme la Chine n’a pas vraiment peur des armées ou des flottes américaines, elle est la seule à pouvoir monter un système concurrent au dollar, ce qu’elle fait. Et ce système de paiements sera utilisé par la Russie, l’Iran, une partie de l‘Afrique, de l’Europe et de l’Asie pour commercer entre eux, au grand détriment du système Swift et du dollar. La Chine veut donc que le dollar cesse d’être LA monnaie de réserve, mais pas que le Yuan le devienne, ce qui n’est pas la même chose.

J’ai déjà écrit de nombreux articles sur le sujet, l’un des derniers en octobre 2018, s’intitulant « guerre commerciale Chine Etats-Unis » et les lecteurs peuvent s’y reporter s’ils veulent se rafraichir la mémoire.

Dans le papier de cette semaine, je voudrais être beaucoup plus pragmatique et regarder de que disent les marchés qui peuvent, ou non, confirmer mes analyses qui, par construction, sont théoriques.

Revenons à l’une de mes plus vieilles obsessions. Parmi les facteurs de production classiques, capital, travail, terre (=ressources naturelles), dans le fond, le SEUL qui soit vraiment rare est le capital, ce que la plupart des gens ne comprennent pas, confondant capital et monnaie.

Je vais essayer d’être simple, au risque d’être simpliste. Comment me procurer du capital si j’en ai besoin, telle est la question. Comme le disait Bastiat, Il n’y a que trois moyens d’accéder à ce bien rare entre tous :

  1. L’épargner ou le gagner
  2. L’emprunter
  3. Le voler

Les SEULS « créateurs » de capital sont donc l’épargnant qui consomme moins qu’il ne gagne et l’entrepreneur qui réussit à dégager des profits.

Pour qu’il y ait création de capital, il faut aider l’épargnant, et le plus efficace est encore de payer convenablement celui qui se donnera la peine d’épargner.  Il faut donc lui assurer une « rente » c’est-à-dire un taux d’intérêts suffisamment élevé pour que notre homme se retienne de consommer. Qui plus est, dans un monde où les mouvements de capitaux sont libres, si un pays veut empêcher son épargne de filer à l’étranger et/ou si ce pays veut attirer l’épargne des autres pays, il lui va falloir « surpayer » l’épargnant.

Admettons qu’il n’y ait que trois monnaies au monde, le dollar, l’euro, et le Yuan, et qu’un rentier ait $ 100 dollars à placer fin 2013.

Où le rentier aurait-il dû mettre son argent, ce qui veut dire, qui surpaye l’épargne ? La Chine, en bons du trésor Chinois, telle est la réponse. Un capital de 100 dollars serait passé (en dollar) à 112.4 s’il avait été investi en yuan, en bons du trésor US, il serait monté de 100 à 106 et s’il avait confié ses 100 dollars à la Bundesbank il en aurait perdu 21. 5 % et n’aurait plus que $78.6.

Venons-en à la deuxième façon de créer du capital, le profit que génère les entrepreneurs. Et la question devient : « Qui surpaye l’entrepreneur ». Dans toute bonne économie, il y a ce qu’il est convenu d’appeler un marché des actions qui s’essaye à mesurer la rentabilité du capital investi, c’est-à-dire la croissance autonome du capital générée par un marché libre.

Revenons à notre épargnant qui, au 31 Décembre 2013, aurait 100 dollars à investir et qui se sentirait prêt à prendre des risques « entrepreneuriaux » et donc à acheter des actions, ce qui lui permettrait de participer à une croissance éventuelle des profits. Imaginons encore que notre spéculateur ait le choix entre les marchés des actions Chinois, Américains ou de la zone Euro. La question devient, qui a le mieux traité mon actionnaire/épargnant ? Voici la réponse.

 

Les Etats-Unis sortent en tête du classement, notre homme ayant 175 dollars à la place de 100, en deuxième position nous avons la Chine (+55 %) et fermant le peloton nous trouvons la zone Euro où notre homme a gagné à peu près la même chose que s’il était resté en bons du trésor Chinois, ce qui n’est guère excitant.

Donc, la première conclusion à laquelle j’arrive est que la politique monétaire chinoise est favorable au Rentier, tandis que la politique monétaire américaine est favorable à l’Entrepreneur, ce qui ne surprendra personne. Ce constat fait, il nous faut essayer de comprendre à qui la politique monétaire de la zone Euro est elle favorable, puisqu’elle est désastreuse pour le rentier et médiocre pour l’entrepreneur ? Et la réponse est toute simple : elle est favorable au VOLEUR, c’est-à-dire aux ETATS en déficits budgétaires et qui ne pouvant plus taxer ont décidé de spolier (synonyme de voler) et les épargnants et les entrepreneurs, en maintenant des taux d’intérêts
négatifs sur l’épargne et de procéder ainsi à l’euthanasie du rentier que préconisait monsieur Keynes.

Voici les résultats pour les Etats qui empruntent à 10 ans, en partant du principe que le gagnant est celui qui a emprunté le moins cher. Et le gagnant est : l’Etat allemand.  Ses emprunts ne lui ont rien couté, ce qui est un résultat stupéfiant.  Filer du capital aux Etats sans que cela ne leur coute rien, c’est un peu comme de filer les clés de sa cave a un sommelier alcoolique.

Ce qui se passe est en fait très simple : l’Europe de l’Euro est en train de bouffer son stock de capital pour maintenir en place des systèmes sociaux aberrants couplés à une construction monétaire débile.

Le choix pour un épargnant en Europe est donc tout simple :

  • La politique la plus intelligente mais la plus dangereuse est, s’il le peut, d’emprunter des Euro pour acheter des actifs en Asie et aux USA. Moi, je ne fais pas.
  • Il a aussi le choix de se constituer une rente de bonne qualité en mettant son épargne en obligations chinoises.  J’ai.
  • Il peut devenir propriétaire d’actions aux USA et s’il veut diversifier son risque, il peut acheter des actions en Chine et en Asie du Sud-Est. J’ai.
  • Il peut décider librement de continuer à être idiot et laisser son épargne être volée par des crapules technocratiques et malhonnêtes. Je ne fais pas. Je n’ai rien en France sauf l’immobilier dans lequel je vis.

Heureusement, nous vivons dans une époque où je peux vivre en France, qui reste fort agréable bien que tout le monde y soit de mauvaise humeur, tout en investissant mon épargne en Chine ou aux USA. Si, pris d’un coup de folie patriotique, j’investissais l’épargne de toute ma vie dans notre beau pays, je suis à peu près certain que dans quelques temps, je serai obligé d’enfiler un gilet jaune et d’aller me balader tous les samedis pour réclamer le remboursement des sommes qui m’auraient été volées, ce qui ne marchera pas de toutes façons puisque l’Etat sera insolvable.

Pour en revenir à l’introduction de cet article, les marchés confirment donc l’analyse que je fais depuis un certain temps : la guerre monétaire entre la Chine et les USA est réelle, et va faire une victime collatérale, la zone de l’Euro puisque la politique monétaire favorise la croissance étatique en Europe au détriment et des rentiers et des entrepreneurs locaux. Un système qui finance la dépense publique en appauvrissant le rentier et l’entrepreneur est un système foutu. Nous y sommes.