
Par Alain Rodier
Le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte, a affirmé au début novembre que l’Europe avait enfin dépassé la production russe en munitions d’artillerie. Il semble que cette déclaration est pour le moins exagérée…
Selon un groupe de journalistes d’investigation, la production européenne au cours du second semestre de l’année 2024 se situait entre 400 000 et 600 000 obus. Il est très peu vraisemblable qu’elle ait désormais dépassé les 3 à 3,5 millions d’unités.
La propagande – qui existe dans les deux camps – atteint parfois ses limites.
Ainsi, quand les Européens annoncent que l’économie russe (« équivalente à celle de l’Italie » suivant un poncif répété depuis 2022) est en train de s’effondrer – certes cette dernière ne se porte pas bien son basculement vers l’Asie et le Sud-global prenant du temps -, ils oublient de préciser que pour l’Europe, c’est peut-être encore pire. Ayant du abandonner les flux de gaz russe à bas prix, le vieux continent paye désormais son énergie – essentiellement du gaz de schiste que l’Europe s’est interdite de produire pour des raisons écologiques – à des tarifs qui peuvent être qualifiés de prohibitifs mais directement imposés par les États-Unis qui sont aujourd’hui les vrais maîtres du jeu et les premiers bénéficiaires des conséquences économiques de la crise provoquée par la guerre en Ukraine.
Par ailleurs, l’Europe n’a pas su trouver de nouveaux débouchés pour ses exportations tout en se tirant volontairement une balle dans le pied avec les conséquences économiques désastreuses de son idéologie économico-écologique maximaliste.
Devant payer son énergie au prix fort et les entreprises étant surtaxées, l’économie européenne est obligée de pratiquer des tarifs qui n’intéressent par les pays éventuellement importateurs.
Le monde de la finance craint de plus en plus un effondrement généralisé en cascade de l’économie européenne qui entrainera des désordres sociétaux de grande ampleur. Non seulement les autorités actuelles ne savent pas les anticiper mais en plus, elles seront dans l’incapacité de gérer le pendant… quant à l’après…
Enfin, l’Europe est fragilisée dans sa globalité par le problème du tsunami migratoire qu’elle n’est pas en mesure de contrôler. L’Espagne affirme bien accepter les travailleurs étrangers dont son économie a besoin, mais les dirigeants politiques actuels omettent soigneusement de préciser qu’ils proviennent majoritairement d’Amérique latine qui partage globalement la même culture et la même langue en dehors des Brésiliens.
Le problème récurrent des chefs européens de l’OTAN qui se succèdent, c’est qu’ils ne semblent avoir aucune conscience de la situation réelle, ni sur le terrain ni sur les capacités industrielles réelles de l’Europe et des besoins des entreprises d’armement, particulièrement de l’énergie qui leur est nécessaire pour fonctionner au mieux de leurs capacités.
Le concert d’une partie des chefs d’État rejoint le discours belliciste en s’encourageant et se félicitant les uns les autres au cours de multiples rencontres dont il est légitime de s’interroger sur l’utilité réelle et le coût pour les contribuables.
Il est vrai que leurs discours largement relayés par les militaires – naturellement aux ordres et toujours ravis de désigner une « menace » pour justifier les demandes de crédits supplémentaires – et par les medias en mal d’audience, ont créé une réelle angoisse auprès des concitoyens de base d’une guerre possible sur le continent européen. Mais ils semblent ne pas mesurer le fait que ces mêmes populations effrayées ne veulent pas non plus que leur pays soit engagé directement dans la guerre en Ukraine.
Ce manque de lucidité et cette arrogance est catastrophique car si les néoconservateurs européens décident de déployer des troupes en territoire ukrainien, le risque d’élargissement du conflit sera alors quasi-inévitable.
La vérité est que, pour l’instant, l’Europe n’a pas les moyens militaires et financiers d’entrer en guerre directement contre la Russie. Elle n’a ni les personnels, ni les armes ni les fonds nécessaires.
Une guerre maintenant serait catastrophique car elle plongerait le vieux continent dans le désordre le plus indescriptible, ferait s’effondrer ce qui reste d’économie viable tout en n’ayant aucun résultat positif.
Ce serait une guerre sans vainqueur, car les Russes – même s’ils n’ont pas non plus les moyens de la gagner conventionnellement – appelleraient probablement à la mobilisation générale, adopteraient une économie de guerre et s’engageraient pleinement.
Même la simple présence officielle de forces européennes en Ukraine offrirait à Moscou le prétexte rêvé de lancer une opération pour créer un corridor vers l’enclave de Kaliningrad jugée comme stratégique par Moscou en s’opposant aux pays baltes – en particulier à la Lituanie – et à la Pologne qui lui barrent la route.

Enfin, la plus grande intox de l’OTAN qui perdure depuis la Guerre froide : les armes nucléaire de l’OTAN déployées en Europe. La clef est américaine donc la décision d’emploi se fait à Washington. Si les intérêts essentiels américains ne sont pas directement touchés et surtout si le territoire américain est épargné, les plus grands doutes demeurent quant à la décision de la Maison Blanche si la Russie s’en prend à l’Europe, même avec des armes nucléaires tactiques.
En effet, l’engagement des armes nucléaires de l’OTAN contre la Russie impliquerait quasi-automatiquement une riposte stratégique sur les USA … Le général de Gaulle l’avait bien compris et c’est pour cela qu’il avait développé la force de frappe française totalement indépendante. Pour les Britanniques, un mystère demeure sur qui a vraiment la clef de déclenchement du feu nucléaire (Londres ou Washington ?)
Mais les différents secrétaires généraux de l’OTAN continuent à entretenir le mythe car cela est surtout destiné à rassurer les opinions publiques européennes. Mark Rutte, a ainsi déclaré que le succès au début du mois d’octobre de l’exercice nucléaire annuel de l’Alliance lui donnait « une confiance absolue dans la crédibilité de la dissuasion nucléaire de l’OTAN » face aux menaces russes.
« Quand la Russie utilise une rhétorique nucléaire dangereuse et imprudente, nos populations doivent savoir qu’il n’y a pas besoin de paniquer, parce que l’OTAN a un fort moyen de dissuasion nucléaire. […] Et (le président russe Vladimir) Poutine doit savoir que la guerre nucléaire ne peut jamais être gagnée et ne doit jamais être menée. »
Poutine a effectivement menacé à plusieurs reprises l’Occident des conséquences nucléaires potentielles depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022.
Il a même déclaré en octobre que la Russie pourrait utiliser des armes nucléaires si elle était frappée par des missiles conventionnels, et que Moscou considérerait tout assaut sur elle soutenu par une puissance nucléaire comme une attaque conjointe…
