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Comment gagner de l’argent sans travailler…mais en réfléchissant.

par Charles Gave

Il est dur de rester dans les sommets de la pensée. Les trois derniers billets nous ont amené sur des hauteurs où l’oxygène manque et donc j’éprouve le besoin de retourner à ma vraie spécialité qui est de gagner de l’argent sans travailler… mais en réfléchissant. Ce faisant, je vais expliquer qu’elle est la méthode à suivre pour arriver à un résultat (gagner de l’argent) qui me vaut d’être cordialement méprisé par la quasi-totalité de ceux qu’il est convenu d’appeler des économistes et qui sont tout au plus des charlatans. Pour ce faire, je vais traiter un cas pratique que je vais essayer de résoudre sous les yeux des lecteurs et ce problème est tout simple : Faut- Il aujourd’hui être investi en actions en France ou en Grande-Bretagne ?

Voyons tout d’abord la rentabilité historique relative de ces deux placements.

 

La ligne jaune est simplement le rapport entre la rentabilité du marché français, dividendes réinvestis en dollar divisée par la rentabilité du marché anglais, dividendes réinvestis, en dollar également.

Voilà qui parait très compliqué et qui ne l’est pas du tout.

Si la ligne jaune monte, cela veut dire que la bourse de Paris fait mieux que sa consœur britannique.

Si elle baisse, le contraire.

Quelques remarques s’imposent.

  1. Sur le long terme, la performance des deux marchés est EXACTEMENT la même puisque la moyenne historique du ratio depuis 1978 est à 1. Il ne peut en être autrement puisque la rentabilité du capital investi entre deux pays voisins et dans un régime de libre concurrence internationale ne peut être différente, sinon tout le monde irait investir dans le pays le plus rentable, dont la rentabilité du capital baisserait devant cet afflux…
  2. Sur le moyen terme, cependant, nous nous éloignons fréquemment et fortement de cette moyenne (on passe de 1.3 à 0.75 fréquemment, voir le graphique). Historiquement, quand nous sommes à plus de deux écarts types d’un côté ou de l’autre de la moyenne (au-dessus de 1.3 ou en dessous de 0.8), ce qui ne se produit que moins de 5 % du temps statistiquement, il est intelligent de vendre le pays « surévalué » pour racheter le « pays sous-évalué ».
  3. Un point important doit être mentionné ici : Faire cette manœuvre en utilisant des critères politiques amène presque à chaque fois au désastre, comme le montre fort bien le graphique. Il fallait vendre la GB quand monsieur Mitterrand a été élu pour acheter la France et revendre la France dès que la droite gagna les élections législatives cinq ans plus tard pour un gain « relatif » de plus de 50 %, et recommencer dès que monsieur Jospin devint premier ministre pour revendre dès que monsieur Chirac fut élu à la Présidence. Aujourd’hui la presse mondiale adore monsieur Macron et n’a que mépris pour madame May, ce qui devrait inciter tout un chacun à se bourrer de Grande-Bretagne.

Première règle donc : la VALEUR a une importance extrême (dans ce cas la valeur relative d’un marché par rapport à l’autre) et la politique n’a aucun intérêt pour arriver à notre but qui est de s’enrichir en dormant, bien au contraire.

Gardant donc notre but initial bien en tête (ie s’enrichir sans travailler), la question suivante doit être : Où en sommes-nous aujourd’hui ? La réponse est simple : Le marché français est à plus de deux écarts types surévalué par rapport au marché anglais. Je commence donc à me lécher les babines en me disant que nous arrivons dans une situation intéressante…

Le lecteur particulièrement paresseux peut s’arrêter là et aller passer ses ordres.

Le lecteur plus curieux voudra savoir pourquoi dans les années qui viennent la bourse de Londres va sans doute faire mieux que la bourse de Paris. En voici la raison : Tout passe par le taux de change.

Aujourd’hui, la monnaie anglaise est sous-évaluée de près de 20 % par rapport à la monnaie française comme en fait foi le graphique suivant.

Qu’est qui va se passer chez notre voisin ?

Réfléchissons. Le niveau de vie des « rentiers » (retraités, fonctionnaires) a beaucoup baissé compte tenu de la baisse de la monnaie dans laquelle ils touchent leur rente. Ils vont donc acheter beaucoup moins de produits « importés » (dont les prix ont beaucoup monté compte tenu de la dévaluation de la Livre) et vont devoir se rabattre sur les produits « domestiques », peut être de moindre qualité mais les producteurs locaux vont enregistrer une forte hausse de leurs marges de toute façon (on n’achète plus une BMW mais une Vauxhall ou une Ford). Quant aux industries liées à l’exportation, déjà rentables avant la baisse de la Livre, elles vont connaitre un boom tant leur marge s’est accrue et les entrepreneurs dans ces secteurs vont gagner de l’argent « gros comme eux ». Voilà qui va amener à une amélioration sensible du commerce extérieur britannique.

Le re-balancement entre importations et exportations se produit en général dans les deux à trois ans qui suivent la dévaluation (ces choses la prennent du temps) et comme celle-ci a commencé aux environs de la fin 2015, début 2016, nous arrivons donc au moment où les améliorations devraient commencer à être perceptibles au Royaume Uni.

Et bien sûr, exactement l’inverse va se passer chez nous, où nous allons avoir un transfert massif de richesse des entrepreneurs vers les rentiers (une fois de plus ! Nous sommes décidemment les champions du monde de ces transferts étant depuis toujours gouvernés par des rentiers/ fonctionnaires).

Pour faire simple :

Une dévaluation n’est rien d’autre qu’un transfert massif de pouvoir d’achat des rentiers vers les entrepreneurs.

Toute dévaluation amène à une baisse du poids de l’Etat (les rentiers) dans l’économie et à une hausse du secteur privé (les entrepreneurs) dans cette même économie. Et que l’on ne me dise pas que la Grande-Bretagne n’a rien à vendre, ce sont et de loin les plus gros exportateurs de services dans le monde et leur appareil industriel est plus important aujourd’hui que celui de notre cher et vieux pays. Et le contraire va se passer chez nous.

Et comme le rôle de la Bourse est de mesurer la rentabilité du capital investi par ces mêmes entrepreneurs, il ne faut pas avoir fait de longues études pour comprendre pourquoi par exemple la bourse française a surperformé la bourse anglaise de 1981 à 1987, puisque les folies Mitterrandiennes avaient envoyé au tapis le franc français, ce qui avait fait fortement monter la rentabilité sur capital investi dans notre beau pays et le CAC 40 avait fort normalement suivi.

Continuons.

Pour l’instant nous avons identifié deux éléments importants et nécessaires pour prendre une décision rationnelle : le premier c’était la valeur intrinsèque du placement et le deuxième était le mécanisme logique qui allait permettre à cette valeur latente de se concrétiser en valeur de marché. Les tous meilleurs parmi les gérants sont capables de repérer un troisième élément, mais là je dois dire que je ne suis pas très bon (ce qui veut dire que je suis mauvais) et je veux parler bien sûr du timing parfait de l’achat ou de la vente.

A mon avis il s’agit là d’une chimère. La seule fois de ma vie où j’ai acheté au plus bas (en 1974), j’avais tellement peur que j’ai acheté les mauvais titres (ceux qui n’avaient pas baissé). Mon conseil est donc simple: Laissez tomber le timing parfait.

Une fois que les conditions « fondamentales » sont réunies, faites un premier mouvement puis un deuxième deux mois après et un troisième encore deux mois plus tard, et quand vous aurez fini, partez en vacances et regardez votre compte un ou deux ans plus tard.

Comme le dit le proverbe boursier : On gagne toujours plus d’argent avec son derrière (en restant assis) qu’on n’en gagne avec son cerveau.

Il est bon de se servir de sa cervelle, mais il ne faut surtout pas en abuser.

Conclusion

Résumons-nous, avant d’investir vous devez considérer la valeur « intrinsèque » de votre futur investissement en premier, puis comprendre quel sont les mécanismes qui permettraient à cette valeur de monter vers sa valeur théorique, analyser combien de temps il faut en moyenne pour que le retour à cette valeur théorique ait lieu, et puis, quand tout est en place, acheter sur une période de 6 mois, et partir en vacances ensuite.

Dans le fond, gagner de l’argent sans travailler, c’est facile, mais ça requiert non pas de travailler (pouah, quelle horreur !) mais de savoir comment réfléchir et surtout quand s’arrêter de réfléchir.

Et le plus dur est certainement de s’arrêter de réfléchir.

Je recommande le cigare et le Châteauneuf du Pape blanc pour atteindre cet état, désirable entre tous.