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De la destruction de nos libertés individuelles

6 juin 2021

Il y a une dizaine d’années, Emmanuelle, moi et quelques amis avons créé l’institut des Libertés (IDL).

Avant de le nommer ainsi, nous avions interviewé quelques éminents personnages dont l’un est un peu la statue du commandeur du monde libéral français pour lui soumettre le nom auquel nous pensions. Surpris par notre choix, il nous demanda : ‘’ Pourquoi Institut DES Libertés et non pas Institut de LA Liberté ? A cette question je répondis que LA Liberté, avec un grand L était une notion totalitaire et que seules comptaient LES libertés, avec un petit l, qui devaient être défendues, une par une, et sans cesse, contre les agressions qui venaient toujours de celui à qui nous avions confié le monopole de la violence légitime, c’est-à-dire l’Etat.

Comme le disait Saint Just, « l’Etat est l’ennemi naturel des libertés » et il faut souligner au début de ce papier que chaque fois que l’Etat s’attaque à l’une ou l’autre de nos libertés, c’est toujours au prétexte qu’il cherche à mieux nous « protéger ». Et c’est à ces moments-là qu’il faut se souvenir de la phrase de Benjamin Franklin : « Un Peuple prêt à sacrifier un peu de sa Liberté pour un peu plus de sécurité ne méritent ni l’une ni l’autre et perdra bientôt les deux ».

C’est bien entendu ce que nous avons constaté avec la crise du Covid, où nombre de nos libertés, de travailler, de nous réunir, d’aller à la messe, d’entreprendre, d’enterrer nos morts dignement, de manifester contre des traitements médicaux imbéciles ou pas… ont disparu, soi-disant pour « protéger notre santé », ce qui restera sans doute dans l’histoire comme l’une des plus grandes fumisteries de tous les temps. Pour ceux qui veulent une preuve, voici le graphique du nombre total de morts pour la France (qui a confiné) et la Suède (qui n’a pas confiné). Beaucoup plus de morts en France…

Mais ce mouvement d’accélération brutale dans nos pertes de libertés dû au Covid ne faisait que prendre la suite de beaucoup d’autres tout à fait similaires, mais à la fois plus sournois et plus pervers.

Et a ce point du raisonnement, il me faut bien admettre que si le but que nous avions en créant l’IDL était d’aider à protéger nos libertés, alors nous avons lamentablement échoué, tant elles ont régressé de façon abominable dans tous nos pays. Et ces libertés ne reculent que parce que ceux qui nous dirigent ont décidé d’oublier Locke. Que le lecteur en juge.

Je vais commencer par la plus importante d’entre elles, la liberté d’expression, fruit de la nécessaire tolérance entre citoyens du même pays, qui a été battue en brèche comme rarement dans notre histoire depuis vingt ans (et encore plus pendant le Covid). Admettre que l’autre puisse avoir des opinions différentes des miennes constitue l’essence même de la tolérance dont le lecteur attentif se souviendra qu’elle était le premier pilier sur lequel doit s’appuyer une société libre, d’après Locke. Je ne vais pas revenir sur ce que j’ai déjà écrit sur ce sujet mais simplement rappeler que cette liberté commença avec Gutenberg et que nous sommes passés dans ces vingt dernières années à une civilisation dominée non plus par l’écrit mais par l’image et la parole, et images et paroles ne sont publiables que si ceux qui contrôlent les nouveaux media le veulent bien. Nous sommes donc dans une situation similaire a celle qui aurait prévalue il y a quelques siècles si l’Eglise Catholique avait contrôlé toutes les imprimeries. Pour ceux qui veulent comprendre ce qui se passe depuis vingt ans, je dis à nouveau que lire les livres de Mathieu Bock- Côté est la meilleure solution.

Or, ceux qui contrôlent ces nouveaux supports haïssent beaucoup plus la liberté d’expression que ne l’a jamais fait l’Eglise, puisqu’ils ont une vision de la vie en société où il y aurait d’un côté, eux, les bons, les oints du seigneur, et de l’autre les méchants, les hommes blancs… L’Eglise, elle, a toujours su que le Mal passait à l’intérieur de chacun d’entre nous (cf. la notion de péché originel), tandis qu’eux pensent qu’ils sont fondamentalement bons et qu’il est donc légitime de faire taire ou disparaitre les méchants… Ce qui historiquement a justifié tous les génocides. Et pour eux, il est donc de leur devoir d’empêcher les méchants de s’exprimer que ce soit par l’écrit, par la parole, par l’image et bien sûr, par le vote.

Et s’il y a une constante dans l’Histoire, c’est bien que ceux qui sont contre la liberté d’expression sont aussi contre la démocratie et contre la souveraineté populaire, remplaçant la liberté d’expression par la censure, la démocratie par la technocratie ou la théocratie (entre un ayatollah et monsieur Attali, la différence est inexistante) et la souveraineté populaire par le gouvernement des juges.  Ce que beaucoup appellent « the big reset » n’est donc rien d’autre que la fin de la liberté d’expression, de la démocratie, de la souveraineté populaire, et donc de l’égalité de tous devant la Loi.

Venons-en à la seconde grande idée de Locke, le droit de propriété comme garant de la liberté Individuelle, et ici aussi nos libertés ont reculé comme jamais puisque nos gouvernements ont nationalisé le temps.

Je m’explique. Être propriétaire, c’est se placer dans le temps et, par exemple, gérer ses actifs en fonction de son âge. Et pour cela, il faut qu’il y ait des taux d’intérêts de marché qui enregistrent les préférences temporelles de la population dans son ensemble. Mettre les taux d’intérêts à zéro, c’est en fait nationaliser le temps pour empêcher chacun d’entre nous de gérer le temps qui lui reste à vivre en fonction de ses préférences. Et nationaliser le temps, c’est la façon la plus efficace d’empêcher la création destructrice d’avoir lieu et donc d’empêcher les bons serviteurs d’accumuler des actifs tout en favorisant les mauvais serviteurs.

Je maintiens que, pour tous ceux qui veulent détruire la liberté de chaque individu, nationaliser le temps est beaucoup plus efficace que de nationaliser les moyens de productions puisqu’à terme tout serviteur, bon ou mauvais, sera également dépendant de son nouveau maitre, l’Etat, géré par les Oints du Seigneur. Et donc le communisme était beaucoup moins dangereux pour ma liberté individuelle que la BCE ne l’est aujourd’hui, ce d’autant plus que la BCE permet à l’Etat de se financer sans recours au vote de l’impôt par les citoyens.

Non seulement je perds la liberté individuelle de gérer mon patrimoine, mais l’Etat est libéré de tout contrôle par les citoyens puisqu’il n’a plus besoin des impôt… Et donc la seconde condition de Locke (droit de propriété) ainsi que la troisième (vote de l’impôt par les citoyens) ne sont donc plus présentes dans nos sociétés. Les contre-pouvoirs ont disparu. Le retour de la tyrannie est inévitable.

Venons-en enfin à la quatrième condition de Locke, l’indépendance de la Justice qui pour notre homme impliquait le recours a des jurys composés de citoyens indépendants et qui étaient choisis parmi ceux qui payaient les impôts. La complexification des lois rend le recours aux jurys de plus en plus difficile, ce qui arrange bien ceux qui voulaient enlever la Justice aux citoyens, mais pour parfaire leurs crimes, nos hommes de Davos ont trouvé l’outil imparable :  la Justice n’est plus rendue au nom du Peuple Français, mais au nom des Droits de l’Homme par des tribunaux et des juges qui ne répondent plus devant le corps électoral d’aucune Nation.

La justice est devenue apatride, ce qui est une grande novation. Inutile de dire que la Justice, pour Locke en tout cas, ne pouvait s’exercer qu’à l’intérieur d’une Nation, puisqu’il en excluait les Catholiques qui faisaient allégeance à un autre Souverain, le Pape.

Dans un pays, il ne peut y avoir qu’un seul souverain. Et c’est au nom de ce souverain qu’est rendue la Justice. Ce n’est plus le cas en France.

Comme chacun peut le voir, nos libertés individuelles sont en pleine déroute et la bataille qui s’annonce pour les reconquérir sera épique. Mais je pense au premier mot de Jean Paul II une fois élu : n’ayez pas peur. La solution est d’essayer de vous libérer autant que vous le pouvez de l’emprise du nouveau totalitarisme, chacun d’entre vous, au niveau individuel. Le totalitarisme est par nature extraordinairement fragile et celui-ci plus que tout autre car il a besoin du soutien actif des citoyens pour survivre.

Et ça c’est loin d’être sur.