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L’affaire des sous-marins Australiens va faire de nombreuses victimes collatérales

19 Septembre  2021

 

L’épée est l’axe de l’histoire (Charles de Gaulle).

Revenons à la « Pax Americana » qui a duré de 1945 à l’été 2021, moment où la crédibilité militaire US s’est effondrée avec le désastre Afghan.

Cette pax Americana était fondée sur quelques principes simples que je vais rappeler brièvement.

  • Création par les USA d’un certain nombre d’organisations internationales multilatérales, du style Nations Unies, Otan, FMI, Banque Mondiale. OMS, OMC, FAO, Unesco, OCDE etc…Dans toutes ces organisations, la principale partie des coûts était couverte par les contributions américaines, ce qui laissait espérer que ces organisations comprendraient de quelle coté leur tartine était beurrée et que donc elles suivraient des politiques globalement favorables aux USA.
  • Domination du dollar, la banque centrale américaine étant plus « égale » que les autres parce qu’elle disposait de ce que Rueff appelait le « privilège impérial », qui consistait en une réalité toute simple : les déficits du commerce extérieur américain étaient soldés en dollars américains, ce qui fait que les USA étaient la seule nation au monde qui ne souffrait pas de ce qu’il est convenu d’appeler « la contrainte du commerce extérieur ». S’ils achetaient trop de voitures au Japon, et bien, le Japon recevait en paiement des petits bouts de papier vert avec lesquels ils étaient autorisés à acheter des obligations du trésor US. Le déficit extérieur américain finançait donc le déficit budgétaire intérieur américain, ce qui était bien pratique puisque cela autorisait les USA à vivre perpétuellement au-dessus de leurs moyens. En contrepartie, les USA assurent la protection militaire du Japon, de l’Allemagne, de la Corée du Sud, de Taiwan, de l’Arabie Saoudite etc…

Nous sommes maintenant entrés dans une période où tous les éléments de cette organisation sont en train de craquer les uns après les autres et cette fois-ci, j’aimerais parler au lecteur du cœur militaire de ce pouvoir américain, l’Otan, dont il me semble que cette institution va disparaître.

L’Otan avait été créée en 1949, après que le rideau de fer s’est abattu sur l’Europe de l’Est (coup de Prague en 1948), pour protéger l’Europe de l’Ouest contre une invasion militaire Russe. Quand le mur de Berlin s’écroula une quarantaine d’années après, je m’étais posé la question à l’époque : mais à quoi va donc pouvoir servir l’Otan maintenant ?

La bonne réponse était bien sûr :  à rien, il lui fallait donc trouver un ennemi.  Heureusement un nouveau tzar arriva en Russie, empêcha ce pays d’être livré au chaos, restaura tout ou partie de la puissance militaire de l’Union-Soviétique, ce qui donna à l’Otan une seconde jeunesse en lui fournissant un ennemi parfait contre lequel protéger l’Europe.

Et donc, aujourd’hui, l’Otan est censée nous protéger contre l’impérialisme militaire Russe, le but de la Russie étant bien entendu d’envahir l’Europe de l’Est et de l’Ouest à nouveau.

L’embêtant est que les Européens de l’Est, de l’Ouest, du Sud et du Nord ont tous besoin d’une énergie « propre » pour sauver la planète, que ça ne peut pas être le pétrole, encore moins le charbon, que le nucléaire donne des boutons aux écolos et qu’il ne reste plus que le gaz naturel, qui, soit-dit en passant, n’est pas plus naturel que le pétrole et est aussi passablement polluant. Or, le seul pays qui pouvait fournir du gaz naturel en quantité suffisante pour faire tourner l’industrie allemande était… la Russie.

Et en bons garçons qu’ils sont, les Russes entreprirent de bâtir un deuxième pipeline (Nord-Stream two) reliant la Russie à … l’Allemagne, en passant sous la Baltique. Ce pipeline est maintenant terminé et va débiter quelques 55 milliards de mètres cubes par an, c’est-à-dire autant que Nord -Stream One.

Qui a payé pour le pipeline ?  5 groupes européens, deux allemands, un français, un autrichien et un anglo-néerlandais.

A qui appartient le pipeline ? A des actionnaires russes, à 100 %

Gazprom, le propriétaire et exploitant de ces deux pipelines va donc pouvoir livrer 110 milliards de mètres cubes par an aux pays d’Europe, ce qui va résoudre bien des problèmes pour les industriels d’outre -Rhin.

Inutile de dire que la diplomatie américaine était vent debout contre ce projet et qu’elle avait menacé des pires sanctions tout pays ou toute société qui aiderait à ce que ce projet voit le jour. Ces menaces n’eurent aucun effet ni sur madame Merkel, ni sur monsieur Macron ni sur quiconque à Bruxelles d’ailleurs, tout ce petit monde durcissant leurs petits mentons en une posture Mussolinienne, en évoquant la nécessaire « Souveraineté européenne » , si chère à notre Président.

La réponse des USA vient d’arriver : Les contrats pour la construction des sous-marins avec l’Australie sont annulés.

Quel est le rapport ? va me demander le docteur Watson. et ma réponse sera celle de ce bon Sherlock Holmes : « Élémentaire, mon cher Watson, élémentaire »

Et, pour les rares lecteurs qui auraient besoin de plus d’explications, les voici.

Revenons à l’Otan, dont les USA couvrent 90 % des frais et qui est censée protéger l’Europe en général et l’Allemagne en particulier contre le danger militaire Russe. Hélas, les mêmes pays européens, protégés par le bouclier US, ont tous décidé d’un commun accord de se livrer pieds et poings liés au Tzar de toutes les Russies, et cela en dépit des demandes pressantes de leur protecteur de n’en rien faire.

Et du coup, il suffira à partir de cet hiver que monsieur Poutine tousse un peu parce qu’il fait froid au Kremlin, et menace de garder plus de gaz pour mieux se chauffer, pour que toutes nos excellences européennes se précipitent à Moscou pour assurer ce cher homme de leur totale et éternelle servilité. L’Otan ne sert vraiment plus rien : on ne peut protéger des nations qui adorent se vautrer dans l’esclavage.

Et quelle est donc la réponse des USA ? La décision d’annuler la construction des sous-marins, qui a été prise en juin, c’est-à-dire au moment où les Russes terminaient le pipeline, et l’annonce de l’annulation faite au moment où les prix du gaz naturel explosent en Europe, ce qui est sûrement un hasard.

Et voici pourquoi l’annulation de la commande des sous-marins est la réponse du berger à la bergère.

Les États-Unis viennent tout simplement d’annoncer un immense changement de stratégie militaire.

  • Fini le temps des grandes alliances internationales où personne ne veut bouger et où tout le monde cherche à ne rien payer, pour mieux trahir à la première occasion.
  • Revenu le moment des alliances militaires étroites et sûres entre pays qui partagent les mêmes valeurs et qui ont encore une armée.

Analysons les protagonistes :

  • Les USA, qui viennent de voir les pays d’Europe continentale changer de camp quand ça les arrange.
  • La Grande-Bretagne, l’alliée éternelle, qui vient de quitter l’Europe pour rester elle-même.
  • L’Australie, l’allié fidèle de presque toutes les guerres américaines depuis un siècle et qui vient de se fâcher avec la Chine.

Ces trois pays ont décidé d’un commun accord que le danger militaire à venir était la Chine et qu’il fallait basculer les forces armées des nouveaux alliés dans ces régions.

L’Australie est idéalement située géographiquement pour contrôler le Pacifique Sud, les bases américaines au Japon contrôlant le Pacifique Nord. D’immenses bases US vont donc être bâties sur la côte Nord de l’Australie, pour remplacer celles qui ont déjà fermées en Afghanistan et fermeront demain en Arabie Saoudite ou à Bahreïn.

La Grande-Bretagne sera sans doute chargée d’amener l’Inde à bord de la nouvelle alliance, pour pouvoir contrôler l’Océan Indien et le Pakistan. Et il faut savoir que ces trois pays partagent complètement tous leurs renseignements militaires depuis bien longtemps. Les états-majors travaillent ensemble depuis des années.

L’annulation de la commande des sous-marins veut simplement dire non seulement que la France n’est pas considérée comme un allié fiable mais que les USA considèrent que l’Otan ne sert plus à rien. L’étape suivante sera sans doute de laisser l’Otan crever doucement, tout en proposant aux Polonais, aux Baltes, aux Hongrois, des alliances défensives contre la Russie signées sans passer ni par Bruxelles ni par l’Otan, qui du coup, ne servira plus à rien. Pour cela, il suffira de transporter les soldats américains, qui sont en Allemagne depuis 1945 de l’autre côté de la frontière, en Pologne ou en Hongrie, qui seront ravies de les recevoir.

Après tout le rôle historique de la Pologne, de la Hongrie, de l’Autriche a toujours été de protéger l’Europe contre les Russes, contre les Turcs et contre les Allemands. La présence de troupes américaines dans l’un ou l’autre de ces pays devrait suffire à calmer les ardeurs belliqueuses des Turcs ou des Russes, les Allemands eux n’ayant plus d’armée et ne présentant donc aucun danger militaire.

Les USA bloqueront donc la situation militaire en Europe à un coût pour eux qui aura baissé de 90 %, ce qui leur permettra de déployer beaucoup plus de moyens à la périphérie du Pacifique ou du Moyen -Orient. Voilà qui va changer la donne en Europe. Comme le disent les Finlandais, « dans un pays, il y a toujours une armée. Si ce n’est pas l’armée du pays, c’est l’armée du pays d’à côté ». Et ils savent de quoi ils parlent, puisque d’un côté, ils ont la Russie et de l’autre la Suède, puissance dominante militaire du Nord de l’Europe pendant des siècles.

Si l’armée américaine déménage d’Allemagne en Pologne ou en Hongrie ces pays n’auront pas besoin d’avoir une armée à eux. En revanche, le problème restera entier pour les Pays-Bas, le Danemark, la Suède, la Finlande, l’Autriche et toute l’Europe du Sud, mais pas pour l’Allemagne qui de fait choisit la protection militaire Russe, ce que les prochaines élections vont confirmer. Mais ce choix fout en l’air la construction d’un état Européen et les autres pays vont devoir chercher un nouveau protecteur. La tentation sera grande de demander à l’armée d’un autre pays d’à côté de bien vouloir remplacer l’armée US, l’alternative étant que l’armée du nouveau pays d’à côté décide, amicalement bien sûr, de s’installer chez son voisin. Ce qui m’amène à considérer les trois armées qui restent en Europe.

L’armée Turque. La plus grande armée en Europe. Les Turcs sont de formidables soldats, mais les soldats Turcs ont une fâcheuse tendance à rester dans un pays pour mieux le mettre en coupe réglée une fois qu’ils s’y sont installés. Une telle solution ferait un effet profond aux Grecs, Macédoniens, Serbes, Croates, Hongrois, Albanais, Autrichiens qui tous ont été occupés par les armées Turques à un moment ou à un autre de leur histoire, et cette occupation n’a pas laissé que des bons souvenirs.

L’armée Russe.  Puissance nucléaire, forte technologie militaire. Elle a laissé de fort mauvais souvenirs en Pologne, en Hongrie, en Allemagne de l’Est, en Tchéquie, dans les pays Baltes…Il faudrait vraiment que le danger Turc soit prégnant pour que l’un ou l’autre de ces pays demandent de l’aide aux Russes. Mais ce n’est pas complètement impossible.

L’armée française. Puissance nucléaire et technologique, crédible dans les trois armes, disposant d’une industrie de l’armement, d’écoles de formation militaire de hauts niveaux, de cadres opérationnels très qualifiés mais à qui le pouvoir politique ne cesse de couper les crédits. La solution assez simple serait que tous les pays qui voudraient retrouver une force militaire soit mise à contribution à hauteur de 2 % de leur PIB, versés chaque année à l’État Français pour que les armées françaises assurent la défense de tous les pays européens qui le voudrait, en attendant que les écoles militaires françaises finissent de former les cadres des futures armées nationales, à recréer de toutes pièces dans les vingt ans qui suivront.

La France devra donc prendre la tête d’une coalition militaire englobant tous les pays du Sud et des Balkans. Ce projet est bien entendu complètement incompatible avec l’Europe de Bruxelles et l’Euro, dont il faudra sortir. Quand l‘Otan disparaît, Bruxelles disparaît.

Voilà ce que le prochain Président de la République devrait avoir comme projet Européen. Il ne me semble pas que le Président actuel soit à la hauteur de cette tâche, tant ses liens avec ce qu’il est convenu d’appeler le complexe militaro-industriel américain sont profonds et anciens (French Young leader promotion 2012, affaire Alstom-General Electric etc…). Le nouveau Président devra sortir de Bruxelles et de l’Euro et offrir à tous ceux qui le veulent d’affermer pour un temps leur défense à la France, dont l’armée devra se consacrer à fond à la défense de la civilisation européenne et de la Méditerranée, jusqu’à ce que les armées locales soient crédibles à nouveau.

Idée folle sans aucun doute, mais qui permettrait de recréer, au moins partiellement, une Europe des Nations souveraines et de sortir, enfin, de l’Europe des abandons.