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LES USA, VRAIS GAGNANTS DU CAPITALISME

rédigé par Bruno Bertez 31 octobre 2023

Le système américain a un avantage considérable sur le reste du monde : c’est la connaissance intime que ses élites ont du fonctionnement du système du capitalisme financier.

Aux Etats-Unis, la connivence patriotique est totale.

La connivence entre la Fed et son « associé » Goldman Sachs l’est tout autant ; elle est symbiotique. La politique monétaire resserrée vise l’écrémage sélectif, partiel, du système américain. Il vise la concentration encore plus grande du capital autour des Too Big To Fail (TBTF) et la disparition des marginaux.

Greenspan, en son temps, l’a dit clairement. La faute des banques en 2006, a-t-il dit, a été de ne pas déverser, répartir et disséminer leurs risques sur les petits acteurs ; elles ont été trop gourmandes et ont gardé le risque dans leurs livres pour gagner plus.

Cette situation, l’a déploré Greenspan, a fait que dans la crise, les gros – les TBTF – ont été détruits, eux aussi. Il a espéré qu’à l’avenir, cela ne se reproduirait plus.

Le nettoyage de la pourriture doit être limité et sélectif, de telle façon qu’il ne devienne pas systématique ; il ne faut pas qu’il mette en danger le système, son architecture et ses piliers.

C’est le premier point stratégique : la leçon de Greenspan a été entendue.

Le second point stratégique est qu’il faut que les capitaux du reste du monde restent aux USA pour financer les déficits, pour acheter les Treasuries et pour maintenir l’esprit de jeu. En clair, il faut que les capitaux du reste du monde continuent de financer l’excellence et l’exceptionnalisme américain.

Il faut que le reste du monde finance lui-même sa propre servitude !

Comme l’a dit Bernanke en son temps, lorsque les capitaux ont quitté les USA et que le dollar a chuté : « Cela n’a pas d’importance ; après la crise, les capitaux reviendront aux USA, parce que c’est là qu’ils trouveront la rentabilité et la sécurité les plus élevées. »

Donc, l’autre volet est de maintenir l’attractivité du marché financier américain, en créant sans cesse de nouvelles modes financières, de nouvelles coqueluches, de nouveaux supports du Ponzi. Et ainsi maintenir l’esprit de jeu qui est si favorable aux Etats-Unis. Les actifs financiers américains doivent toujours rester des aimants. Ces aimants sont plus ou moins réels et porteurs de véritables innovations, mais d’autres font aussi bien l’affaire, même s’ils sont douteux.

Et en cette période historique, les aimants anciens, les grands noms de la technologie et de l’innovation américaine, ont besoin de relai ; ils sont en fin de cycle, et spontanément, ils cesseraient de pouvoir jouer ce rôle d’aimant, ils cesseraient d’attirer les capitaux et de maintenir les flux en faveur des USA.

Notez que ces flux débordent toujours sur les secteurs traditionnels, car l’existence de ces flux fait baisser les taux longs moyens, ce qui aide les secteurs value et le Trésor US dans son financement.

Ce fut le but de l’opération IA, l’opération « Intelligence Artificielle », montée de toutes pièces avec un bel ensemble coordonné ! L’IA est une opération de promotion, avec création d’un concept, d’une image et d’un mythe. Ce qu’il y a derrière l’IA existait avant, on était dans le progressif, le continu ; mais le génie a été de faire croire qu’il y avait rupture, invention, et de créer une discontinuité. Si vous examinez les couvertures des magazines avec cet oeil, vous constatez que je vois juste !

Je précise ma réflexion…

Ce que je décris, c’est ce qui se passe ; les TBTF ne souffrent pas, ce qui souffre, c’est la masse et les entités petites et moyennes. Regardez le Russell 2000.

Dans cet ordre d’idées, la destruction doit donc être sélective, et elle doit accroître la concentration autour des TBTF financières et bancaires d’un côté, et des entreprises de pointe de la technologie de l’autre.

C’est le but de la montée en épingle de tout ce qui touche à l’IA : il faut en refaire un domaine d’excellence des USA, qui à la fois draine les capitaux et fait baisser les taux longs, et en même temps permet de prendre de l’avance vis-à-vis des concurrents comme la Chine.

Les USA savent que le financement quasi gratuit et l’accès aux capitaux propres qui ne coûtent rien sont la clef de leur domination. Et les gens comme Goldman Sachs, qui « font l’oeuvre de dieu », contribuent à cette opération.

Pour résumer :

les USA ont besoin de dominer et de maintenir l’ordre du monde ;
les USA ont en même temps besoin d’assainir ;
les USA font monter les taux, ils écrèment, éliminent les faibles ;
au passage, ils renforcent les fondements de leur domination ;
les USA ont besoin de relancer leur excellence technologique ;
ils ont besoin de continuer à drainer les capitaux du reste du monde pour financer les déficits, le maintien de l’excellence et par extension, hégémonie du dollar.
Le système américain a un avantage considérable sur le reste du monde : c’est la connaissance intime que ses élites ont du fonctionnement du système du capitalisme financier. Ils en connaissent tous les ressorts, toutes les particularités, tous les mécanismes, et en plus ce sont eux qui fixent les règles du jeu et les critères de valeur !

Et c’est pour cela que je dis souvent que la Fed gère bien : ils sont doués, les bougres ! Ils gèrent bien, car ils connaissent bien le système pour l’avoir conçu eux-mêmes ; ils le connaissent bien grâce à l’interpénétration des milieux financiers, du gouvernement et de la Fed. Ils jouent bien, car tout le monde est complice pour tondre le reste du monde.

Chez nous, c’est l’inverse ; on refuse le capitalisme tout en vivant dedans, et ce faisant, au lieu de jouer le jeu efficacement, on passe son temps à le saboter, à se tirer des balles dans le pied. Le système capitaliste est un système d’accumulation du capital et du pognon, et pour gagner dans ce système, il faut accumuler plus que les autres ; et pour accumuler plus que les autres, il faut connaître ses règles, et les accepter.

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]