Publié le

L’histoire de l’énergie nucléaire française restera comme un des échecs les plus flagrants

ATLANTICO BUSINESS

Par Jean-Marc Sylvestre
La stratégie nucléaire restera comme une des décisions les plus absurdes de l’Histoire de France
Alors que la France avait tous les moyens de s’assurer plus de 150 années d’indépendance énergétique, à bas prix et propre. Des responsables politiques, pour des raisons dérisoires, ont tout mis par terre. A qui la faute et qui paiera ?

La stratégie nucléaire restera comme une des décisions les plus absurdes de l’Histoire de France

L’histoire de l’énergie nucléaire française restera comme un des échecs les plus flagrants, imputable à ce qui apparait aujourd’hui comme l’incompétence politique ou l’aveuglement d’un certain nombre de responsables qui ont d’ailleurs tendance à nier ou oublier leur responsabilité. Et pour cause, on n’a encore entendu aucun mea-culpa de la part de tous ceux qui se sont trompés.

Ce qu’il faut rappeler (parce qu’on ne l’apprend pas à l’école publique), c’est que la France des années 1950 va étudier la mise en place d’un équipement de production d’énergie nucléaire et même de toute une filière.

Au départ, l’idée est sans doute de se doter de l’arme nucléaire. A la sortie de la deuxième guerre mondiale, le général de Gaulle estime que la France peut retrouver sa place dans le monde seulement s’il possède l’arme nucléaire. Les ingénieurs vont donc se mettre au travail, mais très vite, le général de Gaulle (toujours lui), quand il revient au pouvoir, considère que le nucléaire est indispensable mais, pour que l’opinion publique l’accepte, il doit proposer en parallèle une utilisation civile. D’autant qu’on sait déjà que l’électricité hydraulique ne sera jamais suffisante pour répondre à la demande que la croissance économique des Trente glorieuses va susciter.La France va donc lancer le plus formidable chantier de construction de centrales nucléaires au monde. C’est d’autant plus urgent qu’on sent bien déjà que les centrales au charbon ou au gaz vont rencontrer des difficultés.

En 1974, la crise pétrolière va mettre la France et l’ensemble de l’Europe dans une situation de pénurie plus grave que la situation actuelle avec le gaz. La France réagit. Les populations se serrent la ceinture, et si « on n’a pas de pétrole, on aura des idées. »

À LIRE AUSSI
Les risques de récession en Europe offrent des opportunités de redressements qu’on ne veut pas voir
Et des idées, il y a en aura beaucoup. À l’époque, on ne parle pas de sauver la planète. À l’époque, on parle de sauver la croissance. On sauvera la croissance avec des moteurs plus sobres (merci monsieur Peugeot) et de l’électricité nucléaire (merci Mr boiteux président de l’EDF) et quoi qu’on en pense, ça marche… Georges Pompidou, Valery Giscard d’Estaing, François Mitterrand vont, en trente ans, faire de la France le premier pays producteur d’électricité nucléaire avec une technologie et une expertise qui vont s’exporter dans le monde entier. Formidable stratégie qu’on va malheureusement casser à partir la fin des années 1990.

Après Tchernobyl, après Fukushima au Japon, catastrophes qui sont imputables à des erreurs humaines grossières, l’industrie nucléaire va réveiller des craintes et des peurs sur lesquelles les mouvements écologistes vont surfer.

Pour quelles raisons profondes les écologistes vont-ils pourfendre le nucléaire alors que le nucléaire est la seule solution technique qui puisse nous fournir une énergie abordable et nécessaire au progrès économique et social, dans des conditions propres pour l’avenir de la planète. ?

Les écologistes vont agiter le spectre des peurs.Alors pourquoi, alors qu’ils auraient dû en être les avocats ?

Les écologistes ont combattu le nucléaire parce qu’ils ont compris que le nucléaire pouvait sécuriser la croissance économique et le progrès. Une grande partie des écologistes sont finalement opposés à la croissance et au progrès. Ils rêvent d’un avenir possible, calme et naturel. La décroissance est leur logiciel.

À LIRE AUSSI
La « sobriété » recommandée aux patrons (mais pas que…) est un des plus mauvais moyens pour calmer le jeu
En arrivant au pouvoir, Nicolas Sarkozy va flairer la force de ces courants, d’autant que l’Allemagne aussi est contaminée par les verts anti-nucléaire. Nicolas Sarkozy, contre l’avis de beaucoup de ses amis politiques de l’époque, va protéger les équipements nucléaires et les projets bec et ongles, mais Sarkozy va perdre les élections.

François Hollande gagnera en promettant aux écologistes de stopper le nucléaire. Erreur funeste, absurde … mais il pense que c’est le prix à payer pour accéder au pouvoir. La gauche à cette époque va tomber du côté des écologistes.

Emmanuel Macron reprendra les promesses de François Hollande et confirmera la fermeture de Fessenheim, ainsi que le projet d’arrêter progressivement une douzaine de réacteurs dans les 20 prochaines années et d’investir dans les énergies renouvelables. C’est le prix que lui demande Nicolas Hulot pour entrer au gouvernement.

L’histoire jugera. Emmanuel Macron a évidemment fait machine arrière mais le mal est fait. La France s’est désengagée d’un programme qui n’avait plus d’avenir. L’Edf a perdu progressivement son expertise. Le résultat aujourd’hui est connu : la France a perdu la moitié de ses réacteurs qui sont à l’arrêt et surtout, a perdu son indépendante énergétique, tout comme sa capacité à assumer une situation géopolitique qui nous étrangle.

Emmanuel Macron a sans doute des projets, mais avec quelle crédibilité, d’autant que les courants écologistes n’ont pas abandonné leur combat idéologique et contradictoire.

Cette affaire fait sans doute partie des grandes absurdités qui ont jalonné l’Histoire. Depuis l’Antiquité, il y a eu quelques décisions politiques et militaires qu’il serait bon de se rappeler si l’école publique consentait à donner un véritable enseignement des faits et des chiffres. Que l’on connait pourtant.

À LIRE AUSSI
La Russie ferme les robinets du gaz mais continue d’engranger des ressources financières considérables
L’Histoire s’est faite d’erreurs ridicules autant que de génie. Le Moyen-âge, la révolution française, l’époque napoléonienne, les grandes guerres mondiales ou la guerre froide recèlent de décisions complètement absurdes et montrent bien que les grands hommes commettent aussi des erreurs au pire des moments.

Il faut lire le livre de Luc Mary qui a décrypté et analysé avec beaucoup de finesse 50 décisions absurdes, mais aux effets stratégiques et souvent tragiques.

Les décisions prises par les politiques français sur le nucléaire appartiennent évidemment aux grandes absurdités de l’histoire moderne. L’Histoire n’est qu’une histoire à dormir debout, disait Jules Renard.