Mohammed VI, le Roi stabilisateur

Jean-Claude Martinez

15 

Collection : Auteur : Pages: 240 ISBN: 9782865532674

Description

La Syrie, l’Irak et la Libye dans l’état déchiré que l’on sait. En frontière, le Mali en sursis, la Tunisie en répit, l’Egypte incertaine, et Gaza en quête toujours de l’impossible paix. Même l’Algérie, militaire et gazière, a l’avenir fragilisé de ses jeunes par millions sans horizon.

Sur cette Méditerranée de tous les dangers, le seul pôle de stabilité, c’est la vieille nation alaouite, avec son Roi enraciné.

On devrait s ‘en réjouir. Eh bien non ! Tout ce que le Paris-Bruxelles d’avant la tragédie Charlie a compté de progressistes, a critiqué le Maroc, son patriarcat, son Roi et son Sahara, au nom du temple européen des libertés, dont chacun voit pourtant les limites en Ukraine.

Ce discours convenu sur la monarchie marocaine qui aurait le tort de ne pas être républicaine,   génère depuis des années des livres et des tensions à répétition.

Ici ce n’est pas un de ces livres de plus « sur le Roi », mais un livre document essentiel sur les défis cruciaux que la France et l’Europe ne peuvent relever qu’ « avec le Roi ».

Pourquoi ?

Tout simplement parce le Roi du Maroc sera toujours là quand cinq ou six présidents se seront succédés à l’Elysée. Et qu’après lui il y aura toujours un Roi. Comme il a donc la durée pour que les grandes mutations de paix en Méditerranée soient réalisées, l’objet de ce livre est de les lui suggérer.

Informations complémentaires

Poids0.32 kg
Dimensions22 × 14 × 1 cm
Pages

240

Extrait

Commandeur des croyants,
« tranquillisateur » des chrétiens

Deux faits, l’un dans l’exception, l’autre dans le quotidien, disent beaucoup sur la force religieuse tranquille au Maroc.

 Le premier est des lendemains des attentats du 11 septembre. À la cathédrale de Rabat, le 16 septembre 2001, le Roi organise une cérémonie. Il y a le gouvernement, les personnalités du Royaume et les représentants des différentes communautés religieuses, musulmane, juive et chrétienne. Il y avait là surtout une image qui résumait tout et de la spiritualité du Maroc et de son inscription dans l’universalité et la modernité.

Le deuxième fait est dans une impression, sinon une carte postale.

C’est un dimanche de janvier 2014, 10 heures. Un petit attroupement entre la Mosquée du Guéliz et l’église des Saints Martyrs à Marrakech. Des Africains, des Européens. La messe va bientôt commencer. L’église paroissiale est confiée aux Franciscains. Depuis qu’en 1219, selon ce que nous a transmis Saint Bonaventure, Saint François d’Assise s’en est allé prêcher au sultan la foi dans le Dieu Père, Fils et Esprit, les Franciscains connaissent l’Islam et savent comment vivre dans des milieux musulmans. Ils sont partout dans le monde arabe, de Marrakech à Jérusalem.

La présence des Franciscains à Marrakech est un double signe. D’abord de tolérance de la part de l’État marocain. Ensuite d’intelligence de la hiérarchie catholique qui évite d’envoyer dans des lieux si importants pour l’Islam des prosélytes pseudo-inspirés, qui s’efforceraient de pousser à la conversion ceux-là mêmes qui les accueillent, les reçoivent et les protègent.

Aux Saints Martyrs, en ce début janvier, l’assistance est belle. L’église est presque pleine et sa prière fervente. Il s’agit essentiellement d’expatriés et de touristes. Expatriés dont cette église est la paroisse, touristes de passage qui rejoignent la communauté chrétienne du lieu.

L’église n’est pas cachée. Elle est visible, centrale. Ses prêtres ne font mystère ni de leur activité ni de leur mission. Tout le monde à Marrakech sait où est l’église et ce que l’on y fait

Quel contraste par rapport à d’autres présences chrétiennes en Terre d’Islam qui font l’actualité enflammée de Mossoul à Niamey.

 Le Maroc n’a jamais connu l’épuration religieuse systématique que les Turcs ont réussi à diligenter depuis un siècle, épuration qui a fait disparaître les communautés chrétiennes.

 Quelle différence par rapport au monastère de Saint Georges, siège du patriarcat œcuménique, dont l’extrême discrétion confine à la prison. Il reste moins de 3 000 orthodoxes de rite grec en Turquie, alors même que les parties entières de l’Empire ottoman étaient chrétiennes en 1914, que les Phanariotes étaient une force politique considérable. Plus rien des Mourousi, Cantacuzène, Paléologue, à Istanbul… La Turquie a réussi à éradiquer jusqu’à leur souvenir, et le promeneur au Phanar peine même à imaginer qu’il n’y a pas si longtemps Constantinople existait encore.

Alors que durant le siècle dernier, cette laïcité turque, qui nous a tant rendu service lorsque nous avons voulu justifier l’interdiction du voile islamique dans les écoles publiques, réussissait ce que les califes n’avaient jamais envisagé, la destruction du christianisme en Turquie, les Marocains maintenaient la politique d’ouverture, de tolérance et de dialogue qui trouve aujourd’hui sa consécration dans la Constitution de 2011.

On est donc à des années lumière, dans le moment présent, de l’éradication des chrétiens d’Irak et de Syrie par ce qui se fait appeler l’État islamique Daesh.

 Face à l’intégrisme islamiste déferlant en direct sur les écrans, le Roi du Maroc est, aujourd’hui, un rempart. Peut-être le dernier. Non seulement parce que son autorité même de Commandeur des croyants désarme la force de l’intégrisme islamiste, mais parce que le Maroc lui-même en a une expérience brûlante, qui le met d’emblée en compréhension avec ce que la France et l’Europe redoutent.

On l’a encore vu le 7 janvier 2015 lors de l’attentat contre Charlie Hebdo. Le Commandeur des croyants, sans ambiguïté, a condamné « fermement cet acte haineux ».

 Il est vrai que dans « la mémoire d’un Roi », des attentats de la dérive islamiste ne réveillent pas seulement le souvenir des attentats de Casablanca, mais bien plus profondément aussi la tragédie de l’ami Reza Pahlavi, le monarque à l’empire de plus de 2000 ans emporté en février 1979 par le tsunami de la révolution Khomeiny.

 Le Maroc, qui avec déjà Sa Majesté Hassan II avait dû réinvestir politiquement le champ du religieux, est plus que sensible aux questions qui traversent l’opinion européenne. Naturellement il est en dialogue avec les chrétiens et protège les juifs.

Car les croyants du Commandeur sont les gens du Livre qui croient au Dieu unique. Ils se délimitent par opposition avec ceux qui ne croient pas… Évidemment, les autres religions que l’Islam ne sauraient lui admettre une autorité spirituelle sur elles, mais, cela ne les empêche pas d’exercer leur culte dans des conditions qui font du Maroc presqu’une exception de tranquillité dans le monde musulman. Il est vrai sur une terre où dès le ve siècle il y avait déjà deux évêques catholiques et où les persécutions anticatholiques des Vandales de Genséric en Afrique du Nord durant ce siècle, n’affectèrent pas la « petite » chrétienté de Tingitane la marocaine.

I. Le Commandeur en autorité :

L’intégrisme maîtrisé

 « Louange à Dieu seul ! 

(Grand sceau du Roi)

« Que l’on sache par les présentes – puisse Dieu en élever et en fortifier la teneur !

« Que Notre Majesté Chérifienne

« A décidé ce qui suit : etc. »

 Tout Dahir royal débute ainsi, sous Hassan II, « Que Dieu le glorifie » (ajoutait-on après son nom) et sous Mohamed VI, « Que Dieu l’assiste» (dit-on aujourd’hui). Les deux fonctions, celle de Roi et celle de Commandeur des croyants, sont inséparables, la légitimité du pouvoir du souverain chérifien ayant ultimement sa légitimité dans la volonté de Dieu.

 Autorité de l’islam, le Roi du Maroc présente ainsi une spécificité. Compte tenu de la disparition de la quasi-totalité des régimes qui contrôlaient l’Islam (Irak de Saddam Hussein ; Égypte de Moubarak ; Libye de Kadhafi), et de la déstabilisation profonde de ceux qui subsistent (Syrie), ce sont des formes plus radicales du sunnisme qui menacent de s’imposer en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Qu’il s’agisse d’intégrismes exportés, soutenus par les pays du Golfe ou d’intégrismes indigènes. « Le califat » de l’État islamique, proclamé à Mossoul, deuxième ville d’Irak, le 5 juillet 2014, par Abou Bakr Al-Baghdadi, en a été l’exemple tragique. Les derniers des 30 000 chrétiens y ont été chassés, tués, convertis ou « dhimmisés ». C’est-à-dire soumis au tribut du vaincu, l’impôt appelé « Djezia » ou Jizya, aux 500 dollars de prélèvement par couple pour avoir le droit de survivre, avec le « N » de « Nazaréen » peint sur la porte.

Or, c’est justement parce qu’à la tête du Maroc le souverain est en même temps chef religieux et chef politique que l’islamisme radical y est impossible. Le Roi du Maroc est l’autorité de l’Islam dans son pays, autorité avec une légitimité indiscutable. L’Islam qu’il promeut est un Islam de tolérance et de modération. Rabat n’est pas Bagdad où naît en 780 Ibn Hanbal, le fondateur de la plus rigoriste des écoles de pensée sunnite, ni Harran en Turquie, la ville de naissance en 1263 de Ibn Tammiyya, l’exégète littéral et radical des textes islamistes fondateurs qui irradie des talibans Afghans aux salafistes de la pureté, ni encore moins Ryad où Ibn Abdel Wahhab voit le jour en 1703 pour propager sa doctrine wahhabite d’un ultra littéralisme poussé à l’extrémité.

Le Roi Docteur d’un Islam modéré

 « Commandeur des croyants » (Amir al-Mouminine) : il n’est pas de titre plus élevé pour désigner le Roi du Maroc. Les constitutions marocaines elles-mêmes, depuis 1962, consacrent cette notion utilisée pour la première fois sous les Saadiens au xvie siècle, la dynastie venue d’Arabie apparentée à la famille du prophète.

 Ibn Khaldun, le Montesquieu arabe, explique longuement, dans la troisième partie de son livre célèbre, la Muqaddima , que le titre d’ailleurs a son origine dans les premiers temps de l’Islam : le premier à avoir été désigné ainsi est le Calife Umar Ibn Al-Khattab, deuxième successeur de Mahomet. Ce titre de « Comman­deur des croyants » s’ajoute à celui de Calife, dont il constitue de facto le synonyme.

 Si le Roi du Maroc est légitime à recevoir ce titre de Commandeur des croyants, qui fonde son pouvoir dans la société marocaine à titre politique et religieux, c’est pour deux raisons.

 La première est la plus connue des occidentaux : le Roi du Maroc est descendant du prophète. Sa généalogie, comme toute généalogie, est complexe. Les Alaouites seraient descendants de Muhammad al-Nafs al-Zakiya, lui-même descendant de Abdallah El-Kamil, ben Hassan El-Mouthanna, ben Hassan Sibt, fils aîné d’Ali Ibn Abi Talib et de Fatima Zahra, fille de Mahomet.

La revendication d’appartenance à la descendance du prophète est fort ancienne. Elle était déjà reçue lorsque Moulay Rachid, au xviie siècle, est devenu Sultan du Maroc.

 Le Commandeur des croyants n’est pas seulement légitime parce qu’il descend du Prophète. Dans l’Islam, faute de règle de succession posée par Mahomet, la pratique établie pour désigner son successeur, le Calife, est celle de l’unanimité dans la communauté des croyants. Le Prophète étant mort sans régler la question de sa succession, les premiers musulmans ont pratiqué cet accord unanime (ijmaâ), qui fait loi. Sous réserve que l’accord implique un contrat entre le calife et la communauté. C’est la bayâa, le serment d’allégeance qui fait prêter obéissance.

 La bayâa s’est longtemps faite par écrit. Depuis plusieurs siècles elle est signée par les représentants de la communauté devant des témoins qualifiés qui signent à leur tour l’acte de la bayâa.

Depuis le début du xxe siècle, la bayâa donne lieu à une cérémonie solennelle, au cours de laquelle la Bayâa est lue puis signée par les autorités marocaines.

Chaque année, à l’occasion de la fête du trône, a lieu la cérémonie de renouvellement de la bayâa.

Par la bayâa, le peuple s’engage à obéir. Ibn Khaldun, dans un chapitre 27 qu’il lui consacre, précisait que ce serment « consiste à rendre hommage d’obéissance. La personne qui le prête passe une sorte de contrat avec son émir, auquel elle confie le gouvernement de ses affaires et de celles des musulmans. Elle s’engage à reconnaître son autorité et exécuter toutes ses instructions ».

C’est parce que la communauté des croyants l’a choisi, lui descendant du prophète Mahomet, que le Commandeur des croyants est autorité légitime de l’Islam, à laquelle il faut obéir en vertu de la sourate : « Ô les croyants ! Obéissez à Allah, et obéissez au Messager et à ceux d’entre vous qui détiennent le commandement ».

Le Commandeur des croyants a trois rôles religieux essentiels.

Le premier de ces rôles est la direction de la prière. C’est la plus haute des charges du Calife. Il a d’ailleurs été choisi pour cela. La tradition musulmane rapporte que le premier Calife, Abu Bakr, a été choisi par les compagnons du prophète pour succéder à celui-ci, justement parce qu’ils avaient vu le Prophète, avant de mourir, le désigner pour diriger la prière collective.

La direction de la prière appartient au Commandeur des croyants, mais elle est aussi déléguée à des imams.

La lecture de la presse marocaine francophone suffit à comprendre l’importance du rôle de la direction de la prière. Systématiquement en effet, il est mentionné la participation du souverain à la prière du vendredi et la prédication faite en sa présence revêt une importance toute particulière.

 Le second devoir du Commandeur des croyants est la direction du pèlerinage de La Mecque. Autrefois les pèlerins faisaient le voyage vers La Mecque par caravane. Pour organiser le pèlerinage, avait été instituée la charge d’intendant de la caravane. Le Souverain choisissait pour diriger le cortège quelqu’un qui avait une bonne connaissance de l’itinéraire.

Encore aujourd’hui, une délégation marocaine officielle est envoyée chaque année à La Mecque par le Roi.

Le troisième aspect de la fonction de Commandeur des croyants est son rôle de gardien et de propagateur de l’Islam. L’on touche là à un rôle essentiel du monarque chérifien, que la Constitution marocaine de 2011 développe dans la conformité à la tradition.

 L’article 41, alinéa 1er dispose ainsi :

« Le Roi, Amir Al Mouminine, veille au respect de l’Islam. »

 L’Islam à la marocaine

La Constitution insiste à plusieurs reprises sur le fait que cet Islam dont le Roi est le gardien est un Islam de tolérance. Dès le Préambule, partie intégrante de la Constitution, avec sa force juridique, l’on peut lire :

« État musulman souverain, attaché à son unité nationale et à son intégrité territoriale, le Royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s’est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen.

« La prééminence accordée à la religion musulmane dans ce référentiel national va de pair avec l’attachement du peuple marocain aux valeurs d’ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue pour la compréhension mutuelle entre toutes les cultures et les civilisations du monde. »

 L’article 1er de la Constitution fait expressément référence à la « religion musulmane modérée », en tant qu’elle est l’une « des constantes fédératrices de la Nation », tandis que l’article 41 mentionne les « principes, préceptes et dessins tolérants de l’Islam ».

 Le Roi du Maroc est sans conteste la tête de cet Islam modéré dont par sa seule autorité de Commandeur il empêche la dérive islamiste.

La Constitution est d’ailleurs révélatrice des précautions prises pour que le Roi soit seul à contrôler la doctrine, empêchant toute déviance islamiste.

D’abord le texte de 2011 prévoit qu’il ne partage pas ses compé­tences religieuses : « Le Roi exerce par dahirs les prérogatives religieuses inhérentes à l’institution d’Imarat Al Mouminine qui Lui sont conférées de manière exclusive par le présent article », dispose l’article 41 de la Constitution.

 Ensuite, le Roi commandeur des Croyants a la totale maîtrise de la production doctrinale. Même si l’article 41 de la Constitution envisage un « Conseil supérieur des Oulémas », « seule instance habilitée à prononcer les consultations religieuses (Fatwas) », ce conseil est entièrement sous le contrôle du souverain, qui détermine les questions à lui soumettre et qui agrée les fatwas.

Seul le Roi est compétent pour fixer par dahir les attributions, la composition et les modalités de fonctionnement de ce Conseil.

 Pour qu’il soit bien clair que le Roi n’entend tolérer que des fatwas dans le sens d’un Islam modéré, la Constitution impose qu’elles soient adoptées « sur la base des principes, préceptes et desseins tolérants de l’Islam ».

 À la base, dans les mosquées, l’appareil d’État veille au maintien de cet Islam à la marocaine dans la voie traditionnelle du rite malékite officiel. Un contrôle est assuré sur les 581 imams et leurs prêches, ainsi que sur les 207 mourchidates, femmes qui apportent une assistance spirituelle aux femmes, jeunes filles et enfants dans les mosquées, les prisons et les établissements charitables.

 Le Roi Garant de la liberté de culte

C’est parce que le Maroc est un État musulman qu’il entend assurer la liberté en matière religieuse. Telle est l’approche que retient la Constitution, justifiée au demeurant au regard du Coran par la multitude des versets qui envisagent cette liberté :

 – « Pas de contrainte en religion », (2/256).

– « Appelle les hommes dans le chemin de ton Seigneur, par la Sagesse et une belle exhortation ; discute avec eux de la meilleure manière » (16/125).

– « À vous votre religion ; à moi, ma religion » (109/6).

– « Dis : “La Vérité émane de votre Seigneur. Que celui qui le veut croie donc et que celui qui le veut soit incrédule” » (18/29).

– « Si Dieu l’avait voulu, il aurait fait de vous une seule communauté. Mais il a voulu vous éprouver par le don qu’il vous a fait » (5/48).

– « Si ton Seigneur l’avait voulu, tous les habitants de la terre auraient cru » (10/99).

– « Appelle donc les hommes à la foi ; marche droit comme on te l’a ordonné ; ne suis pas leurs passions ; dis : “Je crois à tout ce que Dieu a révélé en fait de Livre. On m’a ordonné d’être juste envers votre Seigneur ! À nous nos œuvres ; à vous vos œuvres. Qu’il n’y ait pas de discussions entre nous et vous. Dieu nous réunira ; vers lui sera le Retour” » (42/15).

La Constitution lie explicitement caractère musulman de l’État, liberté religieuse et rôle du Roi commandeur dans les termes suivants :

 « L’Islam est la religion de l’État, qui garantit à tous le libre exercice des cultes. » (art. 3)

 « Le Roi, Amir Al Mouminine, veille au respect de l’Islam. Il est le Garant du libre exercice des cultes. » (art. 41)

Qualifié de « garant du libre exercice des cultes », par l’article 41 de la Constitution, le Roi exerce cette prérogative justement parce qu’il est Commandeur des croyants.

 La garantie de la liberté religieuse sous l’autorité du Roi est incontestable. Le Maroc n’est certes pas le seul État à insister sur la liberté religieuse. L’article 13 de la Déclaration islamique des droits de l’homme de 1981 dispose ainsi : « Toute personne a droit à la liberté de conscience et de culte conformément à ses convictions religieuses ». L’article 10 de Déclaration du Caire sur les droits de l’homme en Islam de 1990 affirme aussi qu’« aucune forme de contrainte ne doit être exercée sur l’homme pour l’obliger à renoncer à sa religion ».

 Néanmoins, dans le contexte géopolitique de l’Afrique du Nord et du monde arabe depuis 2011, l’insistance sur la liberté de culte au Maroc et le rôle du Roi en tant que garant de celle-ci, prennent une importance toute particulière. Lorsqu’on a vu l’agitation de l’Égypte post-Moubarak, avec ses persécutions de chrétiens et surtout l’Irak du califat Abou Bakr Al Bagdadi, sans parler de la Libye en tribus et factions, voire la Turquie « dékamalisée », où l’avenir en AKP (Le Parti pour la justice et le développement) n’est pas forcément rassurant pour les îlots de chrétienté, on mesure le havre de paix religieuse que représente le Maroc.

Le département d’État américain ne s’y trompe pas. Depuis l’International Religious Freedom Act de 1998 les services des affaires étrangères établissent un rapport sur la liberté religieuse dans le monde, sur la base des rapports nationaux dressés par les ambassades américaines. Le rapport publié en 2013 pour 2012, est extrêmement positif sur la liberté religieuse au Maroc. Il y reconnaît son respect assuré par la Constitution et les lois internes.

 Il demeure néanmoins une réticence marocaine à l’égard du prosélytisme. L’article 220 du Code pénal est très clair : toute personne qui « emploie des moyens de séduction dans le but d’ébranler la foi d’un musulman ou de le convertir à une autre religion » est passible de six mois à trois ans de prison. Inévitables dans un pays musulman, ces dispositions ne sont pas toutefois appliquées.

 Ces dispositions sont inévitables dans un pays musulman dans la mesure où elles ont leur origine même dans un épisode que rapporte le Coran. Il est intervenu après le départ du prophète pour Médine. Alors que les Arabes de Médine avaient dans un premier temps adopté majoritairement l’Islam, certains ont abjuré. Ce qui a provoqué un trouble dans la communauté.

Le Prophète a alors interdit toute abjuration aux musulmans, pour faire échec aux tentatives cherchant à faire naître le doute chez les croyants.

La question du droit d’abjurer l’Islam est parmi les plus sensibles. Elle a conduit à ce que l’Arabie Saoudite s’abstienne au moment de l’adoption par l’Assemblée générale des Nations Unies de la Déclaration des droits universelle des droits de l’homme dont l’article 18 prévoit que la liberté religieuse « implique la liberté de changer de religion ou de conviction ».L’article 220 du Code pénal marocain est toujours en vigueur, certes, mais il n’est pas appliqué. Les rapports du Département d’État américain le reconnaissent explicitement.

Lorsqu’en 2010, sous pression populaire à la suite de plusieurs cas de prosélytisme, le gouvernement marocain a décidé de procéder à l’expulsion de 130 chrétiens étrangers (pour la quasi-totalité d’entre eux des Américains appartenant à des groupes sectaires ou à des mouvements protestants agressivement prosélytes), le gouvernement a préféré invoquer les troubles à l’ordre public et la violation de la législation relative au séjour des étrangers sur le territoire marocain.

Le Roi rempart face à l’islamisme politique

 L’islamisme politique ne devrait pas exister au Maroc. Les partis politiques religieux ont été en effet interdits depuis un dahir de 1958 et l’interdiction a été réaffirmée avec solennité à l’article 7 de la Constitution :

« Les partis politiques ne peuvent être fondés sur une base religieuse ».

 Or, malgré ces dispositions, le chef du Gouvernement marocain, et 11 de ses ministres sur les 39, appartiennent au Parti de la Justice et du Développement (PJD), qui détient plus de 25 % des sièges de députés.

Mais ce parti n’est pas comparable aux Frères Musulmans du Caire ou aux islamiste de Tunis, pour une raison de fond : le Maroc n’est pas en effet enserré dans le triangle de conditionnement théologique des trois figures mentionnées de l’Islam radical qui font le rigorisme hanbalite et le fondamentalisme wahhabite.

 C’est d’ailleurs la spécificité marocaine que l’organisation par l’État lui-même du mouvement politique Islamisant. Si l’origine du parti islamiste PJD remonte à la création du Mouvement démocratie et Constitution en 1967, par un proche du Palais, c’est en réalité après 1996 que le Parti prend un véritable essor en regroupant, à l’initiative du Ministre de l’Intérieur Driss Basri, les islamistes ayant renoncé à la violence.

C’est à la suite des élections de 2011, dans le sillage du printemps arabe, que ce Parti de la Justice et du Développement obtient une majorité relative aux législatives et constitue le gouvernement.

Cet islamisme soft, à la marocaine, reste « Maghzeno-compatible » tant qu’il s’insère dans le système politico-religieux du pays, avec la reconnaissance du Commandeur des croyants comme autorité religieuse suprême, pour veiller précisément sur un Islam modéré.

 C’est dire combien la déstabilisation du Maroc, sur un terreau social tendu, serait grosse d’un risque de connexion, par contamination numérique internet, avec la nébuleuse des fondamentalismes sunnites. Dont les chrétiens seraient à nouveau les victimes.

II. Le Commandeur en dialogue :

Les chrétiens reconnus

 Le Roi du Maroc a multiplié les initiatives visant à favoriser le dialogue interreligieux avec les chrétiens. Ces initiatives ont un poids particulier compte tenu de la double nature politique et religieuse de l’autorité du souverain chérifien.

 Ces initiatives reçoivent désormais le soutien des États-Unis, ce qui ne peut que contribuer à les renforcer davantage. La question a ainsi été abordée lors des entretiens entre le Roi Mohammed VI et le président Barack Obama du 22 novembre 2013. Le communiqué conjoint publié à cette occasion est des plus clairs : « Le président et Sa Majesté le Roi se sont engagés à explorer davantage de voies de coopération afin de renforcer la compréhension mutuelle et le dialogue interreligieux au Maroc et dans la région. »

C’est plus un soutien à une action existante de longue date qu’une attitude nouvelle.

 On mesurera l’évolution notable que ce type de formule implique dans l’approche que les États-Unis ont de leur propre conception du religieux et de l’international.

 La liberté des catholiques

 Le Roi protège et favorise les institutions catholiques. Il y a environ 30 000 fidèles catholiques au Maroc : 2 diocèses (Rabat et Tanger) ; 15 établissements scolaires ; plusieurs monastères ; des communautés religieuses (des franciscains, des dominicains, des clarisses, des Sœurs de Sion, etc.).

  La vie religieuse catholique au Maroc n’est pas secrète et ne l’a jamais été.

Déjà le traité conclu entre la France et le Maroc en de 1631 prévoyait-il au profit des Français la liberté de culte sur le territoire marocain :

« Qu’en France l’on ne forcera mes Mores en ce qui concerne leur Religion non plus que les Français ne le seront dans les Royaume de l’Empereur de Maroc »

 Le Traité franco-marocain du 28 mai 1767 était plus détaillé encore, et il bénéficiait à toutes les nations catholiques :

« Lesdits consuls (de France) pourront avoir dans leurs maisons leurs églises pour y faire l’office divin et si quelqu’une des autres nations chrétiennes voulait y assister on ne pourra y mettre obstacle ni empêchement ; et il en sera usé de même à l’égard des sujets de l’Empereur du Maroc, quand ils seront en France ; ils pourront librement faire leurs prières dans les maisons. »

 Le Traité entre le Maroc et Espagne de 1793 assurait la liberté religieuse avec encore plus de précision, garantissant la liberté non seulement de l’exercice du culte dans les locaux consulaires, mais aussi, dans les établissements des communautés religieuses :

« Le Libre culte de la religion catholique sera accordé à tous les sujets du Roi d’Espagne dans les États de sa majesté marocaine, et les actes qui lui sont propres pourront être exercés dans les hospices des pères missionnaires établis dans le dit Royaume, et protégés dès longtemps de la part des monarques du Maroc.

Les missionnaires jouiront dans leurs hospices respectifs de la sûreté, des distinctions et privilèges qui leur ont été accordés par les précédents souverains du Maroc et par le souverain actuel. Et en considérant que leur Ministère et leur Travaux, loin de déplaire aux marocains, leur ont toujours été agréables et utiles par leurs connaissances pratiques en médecines et par l’humanité avec laquelle ils ont contribué à leur soulagement, Sa Majesté Marocaine s’engage de permettre qu’ils restent dans ses États avec leurs établissements. »

 Plus loin : « De même les Marocains vivant en Espagne auront l’exercice privé comme ils l’ont eu jusqu’ici, des actes servant au culte de leur religion. »

 La tradition de liberté de culte pour les catholiques est donc fort ancienne. Elle a pris une tournure toute particulière en 1983 lorsque le Saint-Siège et le Maroc ont décidé de fixer par voie de convention internationale le statut de l’Église catholique au Maroc.

 Le Saint-Siège c’est le siège (sedes) dont le pape est l’évêque, à savoir le siège de Rome. Pour souligner sa fondation par Pierre et Paul, ont l’appelle aussi Siège apostolique. Le Saint-Siège ne doit pas être confondu avec l’État de la Cité du Vatican. La principale (et fondamentale) différence entre les deux est que le Saint-Siège n’a pas de territoire, tandis que l’État dispose d’un support territorial d’une quarantaine d’hectares.

 Bien qu’il y ait eu un temps des hésitations dans la doctrine et la pratique des États, le Saint-Siège apparaît comme doté de la personnalité juridique internationale et de ce fait, il peut entretenir des relations diplomatiques et conclure des accords internationaux avec des États. Ces accords internationaux ont force obligatoire pour les parties. On parle traditionnellement de concordats pour désigner ces accords, lorsqu’ils portent sur le statut de l’Église dans des États.

 Le Saint-Siège signait traditionnellement des concordats avec des puissances catholiques, ou au moins chrétiennes. La conclusion d’un concordat avec un État musulman pourrait sembler une incongruité.

 Le Maroc a néanmoins initié une ère nouvelle dans la politique concordataire en concluant avec le Saint-Siège un accord international qui assure à l’Église catholique au Maroc un ensemble de prérogatives importantes, sans doute même plus encore que dans la plupart des pays catholiques !

 Cet accord prend la forme d’un échange de lettres entre le roi Hassan II et le Pape Jean Paul II des 30 décembre 1983 et 5 février 1984.


Mohammed VI, 15 années de règneLes Échos, p. 209, 2010.

 . Hassan II, La mémoire d’un Roi, Plon, 1993.

 . « En Irak, la fin des chrétiens de Mossoul », Libération, 21 juillet 2014, p. 11.

 . Gabriel Petipont, Ibn Taymiyya, figure centrale du fondamentalisme sunnite : origine et influence de la pensée radicale, in La Revue d’Orient, 2014, pp. 10 et sq.

 . Bernard Lugan, Histoire du Maroc, Ellipses, 2011, p. 150.

 . Ibn Kaldun, le Livre des exemples, Gallimard, La Pléiade, 2002, pp. 527 et sq.

 Adalet ve Kalkınma Partisi

La Presse en Parle

Revue de presse du livre Mohammed VI Le Roi Stabilisateur par le journal L’Action Française, 16 avril 2015.

Revue de presse du livre Mohammed VI Le Roi Stabilisateur par le journal L’Économiste, 19 mai 2015.

Interview de Jean-Claude Martinez pour son livre Mohammed VI: Le Roi Stabilisateur par TVLibertés, 4 mai 2015