Publié le

Revenons à nos moutons

7 septembre 2020

Dans ces chroniques du lundi, j’essaie d’alterner entre les idées, les concepts, les théories et la dure réalité qui me demande d’aider les lecteurs à devenir indépendants financièrement, tant cette indépendance est la condition sine qua non pour qu’ils deviennent libres.

Et donc je rédige de temps en temps un article pour leur expliquer comment gérer leur épargne, en me servant de l’expérience que j’ai acquise en prenant force claques depuis quarante ans, et ces articles s’appelle souvent « revenons à nos moutons », ou comment « gagner de l’argent sans travailler… mais en réfléchissant ». Il faudra peut-être qu’un jour je regroupe tous ces articles dans un petit livre qui portera le même nom et qui pourra servir de GPS boursier aux lecteurs intéressés par la gestion de portefeuille puisqu’ils y trouveraient au même endroit les résultats de toute une vie d’expérience financière.

L’article de cette semaine fait partie de cette seconde catégorie et je vais simplement présenter le résultat de ce que l’on pourrait appeler le « portefeuille type » de l’IDL.

Il y a quelques mois, j’avais en effet présenté une espèce de portefeuille « permanent » scindé en deux parties de taille égale (50-50) :

  • Une sélection de 10 valeurs cotées à Paris (Cap Gemini, Sodexo, Danone, Accor, Schneider, LVMH, l’Oréal, Total, Air Liquide, Pernod-Ricard), faisant toutes partie du CAC 40 et qui avaient un point communne rien devoir à l’État et ne rien en attendre, chacune de ces valeurs devant donc représenter 10% du portefeuille actions et 5 % du portefeuille total.
  • Une sélection d’actifs anti-fragiles (voir le livre de Nassim Taleb) qui avaient une caractéristique commune, voir leur prix monter quand la volatilité journalière de ce prix augmentait. Les valeurs anti fragiles choisies étaient : OR, Obligation à 10 ans de l’État chinois et Obligation à 5 ans de l’État américain, chaque position représentant un tiers du capital à investir dans la partie défensive du portefeuille, soit 16.66 % du portefeuille.

Et la technique de gestion était la même entre les deux parties et à l’intérieur de chaque partie.

  • Entre les deux parties (chacune à 50% du total), si les actions montaient beaucoup pendant un trimestre, ou un mois, à la fin de la période, je « rebalançais » automatiquement, c’est-à-dire que je vendais les actions pour qu’elles reviennent à 50 % du total, et je rachetais les valeurs anti fragiles pour qu’elles remontent à 50 % et je procédais bien sûr à la manœuvre inverse si les actions avaient baissé par rapport aux valeurs anti fragiles.
  • Et à l’intérieur de chacun des deux compartiments, je faisais la même chose pour que les poids respectifs internes à chaque partie restent les mêmes sur le moyen et long terme.

Ces opérations demandent environ une après-midi de travail une fois par trimestre ou une fois par mois, ce qui me semble raisonnable.

Comme même le lecteur le plus désintéressé des choses de la finance a pu le constater, les économies et les marchés financiers ont été quelque peu « agités » partout dans le monde au cours des six derniers mois et je me suis dit que même ce lecteur serait peut-être intéressé à la façon dont le portefeuille « permanent » d’IDL a traversé la crise du Covid 19.

Voici les résultats, présentés cependant sous une forme améliorée : certains lecteurs m’avaient fait le reproche de ne pas avoir intégré dans mes calculs les dividendes versés par les sociétés et c’était une bonne remarque. J’ai donc corrigé cette erreur, ayant trouvé les bons chiffres, et ce sont ces chiffres qui apparaissent ci-dessous.

Analysons donc maintenant les résultats de nos recommandations depuis le premier mars 2020, juste avant que la catastrophe ne commence.

  • Résultat de la décision d’exclure toute valeur ayant des intérêts étatiques :

Premiers résultats de notre processus décisionnel : je baisse moins pendant la baisse, je monte plus quand le marché remonte et je termine plus haut que là où j’ai commencé il y a six mois, ce qui n’est pas le cas du CAC. Voilà qui semble justifier le choix d’éviter toutes les affaires qui ont à voir avec l’Etat !

  •  Venons-en maintenant à la comparaison entre le CAC et l’indice anti fragile de l’IDL.

 

Les valeurs anti fragiles ont fait leur boulot. Pendant que le marché des actions se vautrait, elles sont restées impavides et finissent en hausse de 5 % sur 6 mois, ce qui est bien.

Venons-en enfin au portefeuille « type » IDL pour la période des 6 derniers mois et voyons le résultat.

  • Le portefeuille permanent IDL contre l’indice CAC

Les résultats parlent d’eux-mêmes…

Le portefeuille IDL enfonce l’indice CAC 40 de près de 10 % sur 6 mois et est aujourd’hui PLUS HAUT qu’au début mars et je peux assurer le lecteur que peu de gérants peuvent se targuer d’un tel résultat.

Quelles leçons tirer d’un tel résultat

  • La première, et la plus importante, est que quand les banques centrales sont en train de faire n’importe quoi, il faut absolument inclure des valeurs anti fragiles dans ses actifs. Ce qui amène immédiatement à la question suivante : les banques centrales sont-elles en train de revenir à la raison ? A l’évidence non. Il faut donc garder précieusement une protection contre la folie de nos grands argentiers, pour l’instant.
  • La deuxième est que mon mode de sélection des valeurs qui consiste à n’avoir dans son portefeuille que des valeurs capitalistes en excluant toutes les valeurs qui ne prospèrent que grâce à leur proximité avec l’Etat est bonne. Le capitalisme de connivence fait peut-être la fortune de ceux qui gèrent ces entreprises, mais certainement pas celle de leurs actionnaires, et l’exemple d’Areva est ici criant. (Au fait, où en sont les poursuites contre madame Lauvergeon, responsable du désastre-5 milliards d’euro perdus pour l’État et donc le contribuable, mais pas pour tout le monde- et grande femme de Davos s’il en fût… il semble bien, hélas, que certains ODS soient au- dessus des lois)
  • La troisième question est bien sûr : faut-il changer quelque chose dans ce portefeuille ?
  1. En ce qui concerne la partie actions, certains lecteurs ont souligné que Total ou Sodexo n’étaient pas indépendants des pouvoirs publics. S’ils veulent, ils peuvent les retirer et les remplacer par Essilor ou tout autre nom de leur choix, mais pour moi elles sont assez indépendantes et donc je ne change rien.
  2. En ce qui concerne la partie anti fragile, je pense qu’il serait bon de vendre les obligations américaines à 5 ans, tant la volonté des autorités américaines de faire baisser le dollar US me semble évidente, pour les remplacer par des obligations de même durée émises par l’État Canadien, pays tranquille, politiquement sûr, et dont la monnaie est sous-évaluée par rapport au dollar américain.

En conclusion, je voudrais dire simplement que, comme les taux d’intérêts en occident ne sont plus des prix de marché mais des prix administrés par les banquiers centraux, il est plus urgent que jamais de rester prudent et de se balader avec un casque, une armure, des bretelles et une ceinture.

Le moment viendra ou il faudra à nouveau se promener sur la plage tout nu et tout bronzé, mais nous en sommes loin, très loin. Se balader tout nu pour bronzer sur une plage en arctique et en hiver est rarement une bonne idée.