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Un archevêque de Paris ennemi du patrimoine

Didier Rykner  La Tribune de l’art

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Vous êtes inquiet pour Notre-Dame, et pour l’aménagement liturgique que le diocèse de Paris veut y installer ? Vous avez raison, et cela ne va pas aller en s’arrangeant avec la nomination, par le pape François, comme archevêque de Paris, de Laurent Ulrich qui était jusqu’à aujourd’hui archevêque de Lille.

Lille, cela va sans doute éveiller quelques souvenirs parmi nos lecteurs. Car Mgr Ulrich n’est autre qu’un de ceux qui – avec il est vrai la complicité active du ministère de la Culture, notamment la ministre Roselyne Bachelot et l’ancien directeur des Patrimoines Philippe Barbat – sont responsables de la démolition de la chapelle Saint-Joseph dont nous avions longuement parlé ici, et que les bulldozers ont mise à bas, mutilant définitivement le collège dont il constituait un élément indissociable. Nous avions d’ailleurs, en dressant la liste des coupables, oublié de citer l’archevêque de Lille. Voilà qui est réparé.
Ce crime contre le patrimoine, effectué donc avec la bénédiction de Laurent Ulrich, s’est doublé d’un autre scandale : la vente de l’Évangéliaire de Saint-Mihiel, le fleuron de la bibliothèque de l’Institut Catholique de Lille. Classé Trésor national, on peut espérer qu’il sera acheté par la Bibliothèque nationale de France, mais pour l’instant rien n’est encore fait.

On l’aura compris : les monuments historiques, pour Mgr Ulrich, sont des biens dispensables, superflus, dont il se moque complètement. Comment espérer donc qu’il s’oppose à toutes les folies que certains membres du clergé veulent imposer non seulement à Notre-Dame, mais parfois à d’autres églises parisiennes. Rappelons que le patrimoine religieux est fragile, ô combien, qu’il a été victime dans les années 60 et 70 d’un vandalisme effréné par les curés qui prenaient prétexte du Concile Vatican II, un vandalisme qui se poursuit parfois, par ignorance, inculture ou dédain. Il faudra que les amoureux de Paris (bien au-delà même car l’archidiocèse couvre toute l’Île-de-France) et les associations de défense du patrimoine redoublent de vigilance à l’avenir. Dans une ville victime d’une mairie qui la saccage, sous les yeux d’un ministère de la Culture au mieux indifférent, ils devront désormais compter avec un archevêque ennemi déclaré de tout ce qui nous tient à cœur.

Didier Rykner

P.-S.

Nous avions donné un très court délai de réponse au diocèse de Paris que nous avons interrogé avant de publier cet article. Celui-ci nous a écrit peu de temps après la mise en ligne. Cette réponse n’en est pas réellement une, si ce n’est en affirmant que « l’évangéliaire [appartenait] à l’Institut Catholique de Lille [et] la chapelle Saint-Joseph au collège Saint-Paul (privée, désaffectée et désacralisée depuis plus de vingt ans avant sa destruction), à Yncréa ; en aucun cas au diocèse de Lille. »
Mais, bien entendu, ces deux établissements de l’enseignement catholique de Lille dépendent au moins spirituellement de l’archevêque de Lille. Si celui-ci s’était opposé à la démolition et à la vente, celles-ci auraient été fort compromises. Il n’a jamais rien fait, et n’a même jamais répondu à ceux qui se sont inquiétés de ces atteintes au patrimoine.

Addendum 29 avril 2022 : ajoutons à ce dossier déjà lourd que le Musée Diocésain de Lille, qui dépend directement de l’archevêque, est en caisse, et ses œuvres en mauvais état comme nous l’avions découvert à l’occasion d’une récente exposition à Beaune (voir l’article).