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Washington espère rétablir son hyper-puissance grâce à la guerre en Ukraine

L’évolution de l’opération militaire russe en Ukraine en véritable guerre entre Moscou et Washington a ouvert la boîte de Pandore. Les objectifs des Occidentaux s’adaptent. Il ne s’agit plus de défendre les bandéristes contre la Russie, mais bien d’affaiblir les uns et les autres (Union européenne comprise) pour restaurer l’hyper-puissance états-unienne et son monde unipolaire.

LA RÉSURRECTION DES GUERRIERS FROIDS

Si les continuateurs des milices fascistes du monde entier, soutenus par la CIA, ont rejoint les bandéristes, l’Otan se tient à l’écart de l’armée ukrainienne. Il s’agit d’éviter un conflit direct entre les États-Unis et la Russie, deux puissances nucléaires.

Le Pentagone a donc convoqué, le 26 avril 2022, une réunion dans sa base allemande de Ramstein pour contraindre 43 de ses alliés de donner des armes aux Ukrainiens. Sachant qu’avant la guerre, le gouvernement Zelensky considérait qu’un tiers des forces armées était composé par des milices bandéristes, ces armes iront pour un tiers aux néo-nazis. Tous les États qui ont des services de Renseignement compétents le savent. Mais leur tétanisation face à l’Oncle Sam est telle que seul Israël a osé boycotter cette réunion [3]. Toutefois l’influence de Washington n’est plus ce qu’elle était : il avait été capable de mobiliser la participation de 66 États pour soutenir militairement les jihadistes contre la Syrie. Ces États représentent un tiers des membres de l’Onu, mais seulement un dixième de la population mondiale. On mesure à quel point la position des États-unis s’est affaiblie.

Au demeurant, cet afflux d’armes ne rend plus indispensable à l’armée ukrainienne d’attaquer la République moldave du Dniestr (Transnsistrie) qui héberge le plus important stock d’armes du continent européen.

Le 29 avril, la Maison-Blanche a obtenu du Congrès 33 milliards de dollars de crédits supplémentaires pour armer l’Ukraine. Cela élève le budget militaire ukrainien au 11ème rang mondial.

À l’issue de deux mois de combat, les forces politiques US se sont ralliées à la guerre des Straussiens et ont imaginé ce qu’elles pourraient en tirer. Pour redevenir l’hyper-puissance qu’ils furent, les États-Unis doivent rejouer leur partition du début de la Seconde Guerre mondiale. En 1939, ils ne s’étaient toujours pas relevés de la crise économique de 1929. New York était loin derrière sa rivale, Buenos Aires. L’idée géniale avait été de laisser les Européens s’entre-déchirer en leur vendant des armes fabriquées à la chaîne en échange de leurs bijoux de famille. Washington ne s’engagea qu’en 1942 et encore uniquement du bout des doigts. La guerre fit 55 millions de victimes dont seulement 200 000 États-uniens. L’astuce est d’avoir cédé des armes en prêt-bail. Après la Victoire vint l’heure des comptes. Les Britanniques furent contraints de céder leur empire, tandis que les dettes des Soviétiques s’échelonnèrent sur plus de 60 ans. Elles ne furent apurées que par Vladimir Poutine.

Le congrès devrait donc rapidement adopter la « Loi sur le prêt-bail pour la défense de la démocratie en Ukraine » (Ukraine Democracy Defense Lend-Lease Act of 2022) déjà passée au Sénat (S. 3522). Sur le plan économique aussi, la Seconde Guerre mondiale continue [4].

Il s’agit là d’une application de la « Doctrine Wolfowitz » de 1990 : empêcher par tous les moyens de laisser un rival des États-Unis se développer, en priorité affaiblir l’Union européenne.

Si cette mesure est une rationalisation logistique et un excellent investissement économique, c’est aussi un gaspillage militaire : le maniement de la plupart de ces armes nécessite une longue formation qui fait défaut aux combattants ukrainiens. Ils ne pourront donc pas s’en servir à court terme. En outre, ces armes ne peuvent être utilisées que sur la ligne de front, mais ne pourront pas y être acheminées car les stations électriques sont déjà détruites et les locomotives diesel européennes ne sont pas adaptables à l’écartement des voies de chemin de fer ukrainiennes et russes. En outre les voies de chemin de fer ont déjà été largement bombardées.

Le 25 avril 2022, le Forum pour la Démocratie néerlandais s’interogeait sur l’invraisemblable et soudaine fortune personnelle de Volodymyr Zelensky : 850 millions de dollars !

Compte tenu de la corruption du président Volodymyr Zelensky, il est prévisible que, ne pouvant utiliser ces armes, il les revendra au marché noir. Elles ressurgiront sur d’autres champs de bataille, cette fois aux mains d’acteurs non-étatiques. En deux mois, ce saltimbanque est déjà parvenu à détourner des centaines de millions de dollars. Pendant ce temps, son Peuple souffre.

La stratégie US pour redevenir le centre du monde ne pourra fonctionner que si la guerre s’étend à l’Ouest. Je ne parle pas ici des inévitables opérations militaires contre la Transnistrie [5], mais de l’implication économique des membres de l’Union européenne.

À ce jour, seuls les Polonais et les Bulgares ont refusé de payer le gaz russe en roubles et se trouvent donc privés d’approvisionnement. Tous les autres membres de l’Union européenne ont déjà accepté de payer en roubles, mais pas directement à Gazprom, en passant par des intermédiaires bancaires. Les rodomontades polonaises selon lesquelles le pays s’apprête à changer de fournisseur ne donnent pas le change : Varsovie importera du gaz russe d’autres pays européens qui, eux, le payeront en roubles. La seule différence est qu’il devra rémunérer un intermédiaire supplémentaire.

En suivant leur suzerain états-unien, les Européens doivent donc s’attendre à la fois à une très forte baisse de leur niveau de vie, puis à la perte de leurs bijoux de famille. Nul ne semble s’en préoccuper.

Carte ethno-linguistique de l’Ukraine

VERS LE DÉMANTÈLEMENT DE L’UKRAINE

Pour le moment, les opérations militaires russes sont strictement limitées à la destruction des énormes infrastructures de défense ukrainiennes dont les Occidentaux n’ont aucun idée. La phase mobile de la guerre n’a pas encore commencée. Après des mois de pilonnage, elle ne devrait avoir lieu que pendant l’été et devrait être rapide. L’armée russe offrira alors aux populations convaincues par les bandéristes de se déplacer pour les rassembler dans la partie de ce qui restera de l’Ukraine.

La guerre a éveillé des appétits irrédentistes. La Pologne, qui avait envisagé l’opportunité d’annexer l’enclave de Kaliningrad le mois dernier, étudie désormais la possibilité d’occuper l’Ouest de l’Ukraine. Elle avait déjà occupé cette région, la Galicie, durant l’entre-deux-guerres, lors du démembrement de l’empire autro-hongrois. L’idée serait de déployer des soldats de « maintien de la paix » et de rester sur place. Cependant la guerre polono-ukrainienne a laissé de mauvais souvenirs entre les deux peuples et c’est précisément dans ce contexte que les bandéristes ont été formés. D’ailleurs Stepan Bandera a fait assassiner le ministre de l’Intérieur polonais, Bronisław Pieracki. Les bandéristes prétendent avoir ainsi vengé la répression dont leur parti était victime, mais la réalité est que Bandera était déjà membre de la Gestapo nazie et préparait l’invasion de la Pologne par le IIIème Reich.

La Roumanie ne dit rien pour le moment, mais positionne ses troupes. Lorsque la guerre s’étendra à la Transnistrie, elle ne se gênera pas pour remettre en cause l’existence à la fois de la Transnistrie et de la Moldavie, roumaines au XXème siècle. La Hongrie convoite la Transcarpatie ukrainienne qu’elle a perdue lors de la chute de l’empire austro-hongrois. Sa population majoritairement hongroise a été discriminée par les gouvernements ukrainiens après la « Révolution de la dignité » (le coup d’État de 2014). Comme le russe, sa langue a été interdite. Aujourd’hui, la Transcarpatie est en paix. Les troupes russes ne l’ont pas agressée. Elle sert de refuge aux Ukrainiens de l’opposition intérieure. La Slovaquie ne lorgne que sur quelques villages.

La Russie, quant à elle, qui ne posait comme but de guerre que la reconnaissance de l’indépendance de la Crimée (déjà rattachée à la Fédération de Russie) et des Républiques populaires de Donestk et de Lougansk, a annoncé le 24 mars qu’elle entendait annexer tout le sud de l’Ukraine afin de relier la Transnistrie, la Crimée et le Donbass.

À l’issue de ce dépeçage polono-romano-magyar-russe, l’Ukraine devrait perdre la moitié de son territoire et être réduite à sa portion congrue.