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Courons-nous à toute vitesse vers un Grand Effondrement ?

par Éric Verhaeghe 26 mai 2025

La situation de l’Occident, et singulièrement la situation de la France, sont extrêmement instables. Dans le cours de l’histoire, nous traversons un période de déclin qui devrait impacter durablement l’ordre international. Mais cela signifie-t-il que nous devons avoir peur d’un effondrement brutal qui nous entraînerait dans le chaos et dans la ruine ? Il nous paraissait important d’aborder rationnellement et calmement une question qui, nous le savons, obnubile certains de nos lecteurs. C’est l’objet de notre Chaos Global de la semaine.

Courons-nous à toute vitesse vers un Grand Effondrement ?

Beaucoup d’entre vous expriment une angoisse face à un risque de Grand Effondrement de l’Occident, et singulièrement de la société française. Cette angoisse est forte et conduit certains à des choix absurdes. Nous l’avons vu hier, avec Jeanne, manipulée par la peur pour donner de l’argent à des arnaqueurs qui lui promettaient un monde meilleur et, en tout cas, une amélioration de son sort.

Redisons-le, la peur du Grand Effondrement ouvre un marché alléchant à tous ceux qui promettent de vous rassurer moyennant quelques placements qui leur profiteront.

Pour répondre à l’angoisse de certains lecteurs, nous avons donc décidé de traiter calmement cette question d’un possible Grand Effondrement français en l’abordant pied à pied.

Vers une guerre civile ?
Une grande partie de la mythologie contemporaine de la peur repose sur l’idée qu’une guerre civile pourrait éclater entre nous, et spécialement entre les Arabo-Musulmans et les Français de souche. Cette mythologie peut-elle avoir un sens ?

De notre point de vue, si une « importation » du conflit devait avoir eu lieu, elle serait intervenue depuis longtemps, notamment à la faveur de l’action terroriste du Hamas du 7 octobre 2023. Plus de dix-huit mois après cette tragédie, suivie d’une riposte disproportionnée de l’Etat d’Israël, qui crée un quasi-génocide à Gaza, aucun trouble majeur n’est à noter en France. S’il peut exister des tensions locales, rien n’indique que les communautés musulmanes de France ne soient aujourd’hui sur une « trajectoire » de guerre civile.

Comme l’indique Edouard Husson, des opérations concrètes d’intégration ont lieu.

Reste à tenir un débat sur la laïcité, et notamment sur l’émancipation des femmes. Mais, en l’état, ces débats restent politiques et ne débouchent sur aucune rupture interne à notre société.

En revanche, certains mouvements politiques ont probablement intérêt à nourrir les inquiétudes et les polémiques pour entretenir un électorat et des stratégies électorales.

Vers un effondrement financier ?
Autre question : allons-nous nous effondrer financièrement, dans un mouvement brutal qui nous ruinerait ?

Cette perspective angoisse de nombreux Français qui craignent une déflagration brutale, par exemple à la suite d’une banqueroute de l’Etat.

Rappelons ici ce que serait un défaut de paiement de l’Etat (dans lequel nous croyons) : l’Etat ne pourrait honorer un jour l’un des milliers d’engagements qu’il a contractés. Ce moment serait douloureux pour l’ensemble de la société française, car il donnerait le signal d’une suspicion générale sur la capacité de l’Etat en France à rembourser ses dettes. Une spéculation violente parierait sur d’autres défauts et augmenterait fortement la « prime de risque » à payer pour tout emprunt.

C’est le scénario de la crise grecque de 2011, et de la crise chypriote qui a suivi.

Il faut noter ici qu’il existe désormais des « amortisseurs », notamment européens, pour introduire des « coupe-circuits » dans la propagation des crises financières. Ces amortisseurs seront toujours imparfaits, mais ils existent, et ils expliquent très largement la « résilience » du système financier depuis 2008, alors même que les bilans des banques sont très loin d’avoir été assainis comme ils auraient dû l’être.

Cela signifie qu’un défaut de paiement est possible, plausible, probable, mais qu’il ne signifiera pas la fin de la France, ni la fin de notre modèle de vie.

En revanche, il obligera à un « atterrissage » brutal et à une révision claire et nette de nos dépenses exorbitantes.

La question cruciale de l’effondrement cognitif
De notre point de vue, la question la plus inquiétante est celle de notre effondrement sociétal et cognitif.

Comme le remarque Edouard Husson, « il n’y a plus d’opposition crédible » en France depuis un certain nombre d’années. Comment en sommes-nous arrivés là ?

La caste est défaillante. Elle forme une élite usée et dépassée par les progrès technologiques. Mais elle a mené des politiques de manipulation suffisamment habiles pour convaincre les Français de n’être plus que spectateurs de leur propre vie et de leur propre société.

La société française elle-même est-elle exempte de critique dans ce processus d’affaiblissement collectif, que nous appelons régulièrement avachissement ? Tout le problème est ici : si les élites sont défaillantes, les Français ordinaires sont eux-mêmes en situation de défaut. La culture de l’engagement s’est dissoute, et si les oppositions sont légions (parfois qualifiées de dissidence), elles peinent à construire une alternative politique qui dépasse quelques slogans faciles, du type :

sortons de l’UE et tout ira bien (Asselineau, Philippot,…)
destituons Macron
le problème, ce sont les Musulmans (Zemmour, Maréchal,…)
le problème, ce sont les francs-maçons, les Juifs, les pédophiles
Relever la France suppose de dépasser cette paresse intellectuelle qui se résume à chercher quelques solutions-miracles sans effort. Et la paresse, l’avachissement, sont désormais des problèmes qui concernent autant la caste que les Français ordinaires.