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Gilets Jaunes : l’anti mai-68

02 janvier 2019

Par Philippe Fabry

Lorsque l’on cherche à appréhender ce mouvement des Gilets Jaunes, le recours à l’histoire de notre pays, riche en révolutions, est sans doute le premier réflexe. Et la première comparaison qui vient souvent à l’esprit, c’est 1789, qui est évidemment la référence des références.

Et si le parallèle n’est pas absurde, il faut reconnaître qu’à simplement tenter d’assimiler les événements à des événements passés, on risque de manquer leur spécificité. Car si l’Histoire n’est pas exempte de redites et de récurrences, chacune s’inscrit cependant dans la suite des événements qui l’ont précédée, ce qui lui donne une identité propre, unique.

Les derniers événements de nature révolutionnaire, ou quasi-révolutionnaire, dans l’histoire de notre pays, sont les fameux événements de mai 68 qui, s’ils se sont achevés par des accords avec des syndicats qui ont permis de diviser les manifestants selon leur revendications et d’éteindre le mouvement étudiant initial, c’est bien celui-ci qui a été le grand gagnant, car si l’augmentation du SMIG concédée lors des accords de Grenelle s’est vite dissipée dans l’inflation, la pensée soixante-huitarde est devenue celle des élites françaises au cours des années 1980 et notre société actuelle est l’héritage de mai 68.

Cinquante ans plus tard surgit sous nos yeux ébahis le mouvement des Gilets Jaunes. On repense donc, après 1789, à cette dernière référence en date de 1968.

Or, il est remarquable de noter que le mouvement des Gilets Jaunes revêt tous les atours d’un anti-mai 68. Il en est l’exact contraire :

–          Mai 1968 commença à Paris, dans le quartier latin, le mouvement des Gilets Jaunes est né en province, dans la « France périphérique »

–          Mai 1968 était l’œuvre de fils de bourgeois avides de liberté de mœurs, les Gilets Jaunes sont originellement des français moyens soucieux de liberté économique, hostiles au matraquage fiscal

–          Mai 1968 a très rapidement eu des représentants, trotskystes, alors que les Gilets Jaunes sont très réticents à s’en donner

–       En Mai 1968 les intellectuels de gauche étaient favorables au mouvement, aujourd’hui ils conspuent les Gilets Jaunes

–          Les soixante-huitards traitaient le gouvernement et leurs aînés de fascistes, aujourd’hui c’est le gouvernement (et les anciens soixante-huitards) qui traitent les Gilets Jaunes de fascistes « rouge-bruns »

–          Les soixante-huitards sermonnaient leurs parents et l’autorité, les Gilets Jaunes s’inquiètent des petites retraites de leurs aînés,

–          Mai 1968 faisait chanter l’Internationale sur la tombe du Soldat inconnu, les Gilets Jaunes y chantent la Marseillaise

–          Plus symboliquement, Mai 1968 a commencé au printemps, les Gilets Jaunes à l’automne

L’on pourrait sans doute nourrir encore longuement cette liste.

Est-il étonnant, dès lors, de voir Daniel Cohn-Bendit venir expliquer maladroitement son soutien aux CRS sur lesquels il lançait des pavés cinquante ans plus tôt ? Le régime contesté, c’est aujourd’hui le sien, celui de sa génération. Avec un gouvernement qui, dans la continuité des exigences de liberté sexuelle de mai 1968, ne trouve rien de plus urgent à faire que d’annoncer le remboursement du préservatif en pleine crise sociale.