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Grande-Bretagne et Europe : une situation surréaliste.

13 mars 2017

Les batailles d’arrière-garde au parlement Britannique des partisans du maintien dans l’Europe de la Grande-Bretagne sont en train de se terminer.

Certains vieux crabes nostalgiques ont essayé de faire passer quelques amendements au projet de madame May à la chambre des Lords, mais ces amendements seront annulés lors du retour du texte à la chambre des Communes la semaine prochaine. Il est donc certain que madame May va invoquer l’article 50 dans quelques jours et les «négociations» vont pouvoir commencer -enfin- entre Bruxelles et Londres.

Je mets « négociations » entre guillemets tout simplement parce qu’un certain nombre d’Anglais et non des moindres, pensent en toute bonne foi qu’il n’y a rien du tout à négocier. Des hommes aussi éminents que Lord Lawson, ancien ministre des Finances de madame Thatcher (qui d’ailleurs vit dans le Gers) ou Lord King, le précédent gouverneur de la Banque d’Angleterre soutiennent que ce que la Grande-Bretagne doit faire est très clair.

Il suffirait de demander que le commerce entre la Grande Bretagne et le reste de l’Europe soit régi par les règles du GATT qui encadrent le commerce international entre les pays qui n’ont pas signé d’accords bilatéraux entre eux, tout en faisant passer (devant le parlement britannique) une à une toutes les réglementations ou lois imposées par Bruxelles pour supprimer toutes celles qui ne correspondent pas aux intérêts locaux et garder toutes celles qui seraient de bonne qualité.

Comme on le voit, l’idée est simple : la Grande- Bretagne abandonne tout accord exclusif avec la Communauté européenne et demande simplement qu’entre la Communauté et elles soient appliquées les règles qui s’appliquent entre la Communauté et le reste du monde (US, Chine etc..) tout en faisant le tri entre les bonnes et les mauvaises solutions que l’Europe lui a imposé depuis des années, le tri étant fait par son propre parlement.

Voilà qui a le mérite de la simplicité.

Aimer la simplicité n’a jamais été la caractéristique première des bureaucrates bruxellois et leurs vues sur les négociations sont bien entendu complètement différentes. Pour eux, la pire des choses serait que tout se passe simplement et que la Grande-Bretagne prospère tranquillement tandis que l’Europe continue de s’enfoncer.

Et donc, si j’ai bien compris, le but des négociateurs désignés par la Commission est double. Mettre des bâtons dans les roues de la Grande-Bretagne autant que faire se peut, tout en essayant de lui extraire le maximum d’argent possible pendant que les négociations continuent.

En bons mafieux qu’ils sont, les commissaires européens veulent faire payer à la Grande-Bretagne de vouloir redevenir libre et indépendante, et pour la faire chanter le plus longtemps possible, ils feront durer les pourparlers autant que faire se peut.

Et d’agiter des chiffres de dizaines de milliards d’euros que la Grande-Bretagne devrait leur verser tout en expliquant que la City est foutue et que tous les principaux cerveaux qui y sévissent vont filer à Francfort ou à Paris, ce qui me fait doucement sourire (comprendre : rire aux éclats).

S’imaginer qu’une City qui se libère de la tutelle bruxelloise va perdre de son attrait est une contradiction logique, car plus la City est libre, mieux elle fonctionne.  Il n’y a que messieurs Barnier ou Macron pour croire qu’une City réglementée par Bruxelles fonctionnerait mieux qu’une City qui se réglemente elle-même. Si la City se libère de Bruxelles, mon conseil  à tous les jeunes est qu’il faut s’y précipiter et non pas la quitter. Il faut être un haut fonctionnaire français pour ne pas comprendre que ce qui crée la croissance c’est la liberté et non pas le contrôle et la réglementation.

Et en écrivant cela, à mon avis, je touche vraiment au cœur du problème bruxellois.

A l’évidence, des hommes comme Delors, Barnier, Lamy, Juncker, Barroso, Kinnock… pensent sincèrement que les réglementations, lois, directives qui sortent sans arrêt de Bruxelles sont utiles, efficaces et aident à la prospérité en Europe. Quelque part, ces pauvres garçons se perçoivent en chef d’orchestre agitant leur baguette tandis qu’ils voient les entrepreneurs comme de gentils musiciens qui, s’ils n’étaient pas là opéreraient dans une cacophonie totale.

Il ne leur traverse même pas l’esprit que les entrepreneurs n’ont en rien besoin de chefs d’orchestre mais de monnaies correspondant à la productivité de chaque pays compte tenu de son pacte national, de droits de propriété reconnus par un système légal stable et de qualité et enfin d’un système de crédit concurrentiel et bien capitalisé s’appuyant sur des prix de marché pour les taux d’intérêts et les taux de change.

Or comme toutes leurs actions depuis vingt ans se sont attachées à détruire ces trois piliers indispensables (d’après Schumpeter) à toute croissance économique, on peut se poser des questions sur leur compréhension des réalités.

Ces pauvres gens croient vraiment, vraiment, qu’ils font un travail utile…Ils sont à peu près aussi utiles que les fonctionnaires du Gosplan en URSS il y a quelques années et ce n’est pas un hasard si j’ai souvent appelé l’Union Européenne une URSS molle. Les mécanismes de pensée sont les mêmes.

Et j’en ai un exemple quasiment parfait de ces différentes interprétations simplement en analysant le commerce extérieur de la Grande-Bretagne.

Je vais d’abord présenter des chiffres, ceux des exportations et des importations entre la Grande-Bretagne et la zone euro, puis entre la Grande-Bretagne et le reste du monde et ensuite je les commenterai en mettant d’abord ma casquette de haut-commissaire européen et ensuite celle de Lord King.

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Explication du Commissaire européen lambda ou de l’homme de Davos de base.

Les exportations de la Grande Bretagne vers la zone euro ne progressent plus depuis 10 ans, alors que ses importations de la même zone montent fortement. Cela veut donc dire que l’économie britannique n’est pas compétitive avec les économies de la zone euro et/ou n’a rien à vendre au reste de l’Europe. A la place de se reformer pour redevenir compétitifs, les Britanniques ont choisi de sortir de l’Europe et comme ils sont inefficaces, qu’ils n’ont rien à vendre et qu’ils ne seront plus protégés par Bruxelles, leur économie va s’effondrer et ils n’auront que ce qu’ils méritent.

Explication de Lord King, ancien gouverneur de la banque d’Angleterre

Les exportations de la Grande Bretagne vers le reste du monde hors zone euro se développent admirablement ainsi que les importations anglaises en provenance de cette zone (voir le graphique du bas).  Les exportations anglaises vers l’Europe ne croissent pas tout simplement parce que la zone euro hors Allemagne stagne depuis 20 ans, et donc les importations françaises, italiennes, espagnoles, grecques, portugaises s’écroulent puisque les niveaux de vie locaux se sont ratatinés dans tous ces pays depuis vingt ans également. Et cette chute sans précédent des niveaux de vie en Europe continentale a été créée de toutes pièces par la coexistence de l’euro et de la folie réglementaire de Bruxelles (Cf. le dernier livre de Lord King, the end of Financial alchimy ».

En sortant de l’Europe, la Grande-Bretagne coupe donc le lien qui reliait la chaloupe anglaise au Titanic Bruxellois en train de sombrer, et ce faisant, la Grande-Bretagne se sauve.

Bien entendu, si vous croyez comme mon haut fonctionnaire européen que la première thèse est la bonne, par charité il va vous falloir «punir» la Grande-Bretagne pour empêcher la France, l’Italie ou l’Espagne de se suicider.

Si vous pensez comme Lord King que le problème est la stagnation de l’Europe et non pas la sortie de la Grande-Bretagne , alors, vous allez dire que depuis vingt ans la Grande-Bretagne achète beaucoup plus au reste de l’Europe qu’elle ne le devrait sans que les Européens lui rendent la politesse, tout simplement parce qu’on les y force (politique agricole commune par exemple)  et qu’il vaudrait beaucoup mieux pour l’économie anglaise qu’il achètent ailleurs et moins cher, ce qui ferait monter le niveau de vie des électeurs anglais.

Sortir de l’Europe, c’est donc rendre sa liberté de choix au citoyen britannique.

Quand j’étais enfant, j’entendais souvent une phrase : « le client est roi »

Le lecteur sans instruction remarquera que les anglais nous achètent infiniment plus qu’ils ne nous vendent, que donc ce sont nos clients et qu’il serait peut-être raisonnable d’être aimables avec eux.  Nous devrions en fait être d’une gentillesse extrême puisqu’énormément d’emplois chez nous sont dépendants de leurs achats.

Hélas, ceux qui nous gouvernent sont très instruits et on fait l’école nationale d’administration. Et ces génies pensent que si les Anglais ont un déficit, c’est tout simplement parce qu’ils sont mal gérés et qu’il est urgent de punir les gens mal gérés sans même réfléchir une seconde que ces incapables sont nos clients. Les punir, c’est les inciter à acheter ailleurs.

Il faut quand même être complètement crétin, ou avoir fait de très longues études, ou être fonctionnaire, ou les trois à la fois pour punir financièrement ceux qui vous achètent beaucoup plus de produits qu’ils ne nous en vendent.

Or, c’est ce que propose de faire les Barnier et Juncker de ce monde.

Bien entendu s’ils le font, les usines VW et BMW fermeront à Wolfsburg et à Munich tout simplement parce que les anglais iront acheter leurs voitures en Suède, en Corée ou au Japon. Ce ne sont pas les fabricants de voitures qui manquent et la moitié des surplus allemands est due à des exportations de voitures dont plus personne n’aura besoin dans 10 ans. Je peux par contre assurer le lecteur que tout le monde aura toujours besoin des services de la City dans 10 ans.

Et la zone Euro pendant ces mêmes 10 ans continuera de s’enfoncer de façon imperturbable et cela durera tant que les Barnier and Co ne seront pas virés, c’est-à-dire tant que les peuples ne se seront pas libérés…

Aux urnes citoyens,

Formez vos bataillons

Allons, allons !