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La loi de Pareto ou l’essentiel outil rappelé à nos lecteurs avisés

17 février 2020

Charles Gave

« Nous sommes des nains juchés sur les épaules de géants », disait Bernard de Chartres au XIIe siècle. Par là, ce philosophe voulait dire que chacun de nous ne fait des progrès qu’en s’appuyant sur des connaissances qui ont été développées souvent bien avant notre naissance. Si l’on abandonnait des enfants sur une île déserte, d’abord très probablement ils ne survivraient pas, et survivraient-ils, ils marcheraient sans doute à quatre pattes. Le mythe du bon sauvage, cher à Jean-Jacques Rousseau, est l’une des plus grandes crétineries qui aient été dites par cet homme, qui pourtant en a dit beaucoup. Dans cet esprit à l’IDL nous nous sentons obligés de temps en temps de sortir de l’actualité pour rappeler un concept ou un autre, absolument essentiel à la compréhension du monde dans lequel nous vivons et dont on ne parle pas assez.

Cette semaine, je vais vous parler de la Loi de Pareto, loi qui régit à peu près tous les mécanismes vivants. Pareto était un économiste italien de la fin du XIXe né à Paris, mort en Suisse où il enseigna à l’université de Lausanne. L’un de ses titres de gloire fut de repérer que la quasi-totalité des phénomènes sociaux était distribuée selon la loi dite des « 80-20 » décrite souvent aussi comme le « Principe de Pareto »

Je vous donne quelques exemples.

  • Dans un pays à un moment donné, quatre-vingts pour cent de l’alcool ingurgité l’est par 20 % des gens.
  • Dans le même pays, ou dans tout autre d’ailleurs, 80 % des accidents de la route sont commis par 20 % des conducteurs (dont certains feront d’ailleurs partie aussi des alcooliques, mais ceci est une autre histoire).
  • Quatre-vingts pour cent de la valeur ajoutée créée chaque année dans un pays l’est par 20 % des gens —
  • Vingt pour cent des livres publiés font 80 % des tirages totaux et si l’on prend les vingt pour cent ayant eu les meilleurs tirages, on retrouve à nouveau la loi des 80—20. Et même chose pour les chansons ou pour les jeux vidéo.
  • Dans votre portefeuille, 20 % des positions seront responsables de 80 % de la performance.
  • Dans la nature 20 % des mâles bénéficient des faveurs de 80 % des femelles.
  • Etc.

Mais c’est surtout une loi qui s’applique à vous dans votre travail.

De la considérable valeur ajoutée que chaque lecteur de l’IDL produit dans son travail, 80 % est produit en 20 % du temps et les quatre — vingt pour cent du temps restant serviront à compléter les maigres 20 % qui n’ont pas été faits dans l’enthousiasme du début.

Ce qui m’amène à ma première remarque VOUS concernant. Je ne peux pas le prouver, mais je suis sûr que chacun d’entre vous produit plus de valeur ajoutée quand ce qu’il fait l’intéresse que quand ce qu’il fait l’ennuie profondément. Mais ce qui vous intéresse n’intéresse pas automatiquement le gars du bureau d’à côté et vice versa. Et donc, chaque fois que cela est possible, essayez d’échanger ce qui vous rase et l’intéresse contre ce qui vous intéresse et le rase lui. Vous resterez à 80/20 et lui aussi, mais à deux vous produirez plus de valeur ajoutée et vous serez tous les deux plus heureux. Et dans le fond, c’est là le boulot d’un entrepreneur : il doit mettre chaque personne employée dans une situation où elle travaillera le mieux possible, c’est-à-dire où elle fera ce qu’elle aime faire.

Ce qui veut dire que rester dans un travail qui vous ennuie à mourir est un péché contre votre liberté individuelle, c’est-à-dire contre votre bonheur. Et en plus, il est très probable que vous le ferez mal, ce qui est très mauvais pour l’idée que vous avez de vous-même. Prenez des risques, barrez-vous si vous vous ennuyez. Si vous n’avez jamais échoué, c’est que vous n’avez pas pris assez de risques dans votre vie.

Venons-en maintenant à la gestion d’une collectivité ou pire encore d’un État et acceptons le principe immuable que 80 % de la richesse créée dans le pays le sera par 20 % de la population. Voilà une vraie atteinte à l’égalité nous diront monsieur Piketty et le marxiste de base. Il faut que les pouvoirs publics corrigent cette abomination, ce qui sera fait bien sûr en augmentant les impôts sur les 20 %.

Mais, dans ma chère parabole des talents où le Christ décrit parfaitement la Loi de Pareto, cela revient à prendre du fric à celui qui sait quoi en faire pour le donner à celui qui va l’enterrer, et du coup tout le monde s’appauvrit. Tout le monde…, sauf celui qui a le pouvoir de piquer l’argent des autres, car il s’est approprié le monopole de la violence légitime et donc cet argent il peut le « voler légalement » Et bien entendu, 80 % de cet argent volé ira aux apparatchiks et autres ODS, le reste de la population se partageant les miettes de que les hommes de Davos veulent bien leur laisser.

Comme le disait Frédéric Bastiat, si vous avez vraiment envie de quelque chose, il n’y a que deux façons de procéder pour l’acquérir :

  • Ou vous travaillez
  • Ou vous le volez, et la seule façon de le voler sans risquer d’être condamné est de capturer le système législatif et de voter des lois qui vous permettront de voler légalement, et c’est ce que l’on appelle en langage courant le socialisme.

Et comme le rappelle le Christ, encore lui, toujours lui, dans la parabole du Maître et de la Vigne, même si un vol est voté à la majorité de ceux qui travaillent dans la vigne, il n’en reste pas moins un vol et à la fin tous ceux qui se sont rendus coupables de ce crime sont envoyés en enfer. Eh oui, l’enfer est certainement peuplé en majorité de socialistes et c’est ce que nous dit la sagesse populaire quand elle énonce cette vérité éternelle « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». On songe à Soljenitsyne qui disait « Une société où tout le monde est égal est une société où personne n’est libre, et une société où tout le monde est libre n’est pas égale » Dans le fond, la liberté et l’inégalité sont l’envers et l’endroit d’une même pièce de monnaie

Faut-il donc accepter une société inégale ? Faut-il penser que les pauvres n’ont que ce qu’ils méritent ? Absolument pas, et voici pourquoi. Et ici, je vais m’appuyer sur un film, Amadeus, que j’ai beaucoup aimé qui raconte t la vie de Mozart, génie musical, mais crétin par ailleurs. Par un concours de circonstances extraordinaires, Mozart avait trouvé le domaine où il était certain qu’il serait parmi les 20 % de gagnants, celui de la création musicale, au grand désespoir de Salieri qui lui était très intelligent, mais n’avait que du talent.

Et donc pour moi, une société « juste » n’est PAS une société où tout le monde est égal, car cette société s’appelle l’enfer, mais une société où chacun est libre de chercher et éventuellement de trouver les domaines ou il sera parmi les 20 % qui raflent la mise et donc où il sera parfaitement heureux et sans doute prospère. Une société juste n’est donc pas une société ou tout le monde est égal, mais une société où tout le monde est supérieur à 80 % des autres, dans l’activité que chacun aura choisi librement, et cela peut-être d’élever ses enfants.

Il ne faut donc en aucun cas lutter contre l’inégalité, il faut au contraire promouvoir la liberté pour que chacun puisse découvrir et exploiter le ou les domaines où il sera supérieur aux autres, ce qui veut dire que chacun de nous doit accepter qu’il soit inférieur aux autres dans 80 % des activités pendant toute sa vie. Cette acceptation mutuelle d’une supériorité partielle et d’une infériorité générale est ce qui constitue l’essence même d’une société libre et donc harmonieuse.

Je peux parler ici de mon exemple personnel. À 76 ans, je sais que j’ai beaucoup reçu dans le domaine intellectuel et je n’en tire aucune espèce de vanité, mais par contre, je sais encore plus que je suis un imbécile manuel et j’admire beaucoup ceux qui utilisent à bon escient ce merveilleux outil qu’est la main.  Ainsi, il y a bien longtemps, j’ai vu des compagnons du Tour de France bâtir un escalier monumental et c’était prodigieux. Du coup, j’allais me promener au BHV à Paris, un peu comme d’aucuns vont au musée, dans des rayons où il y avait des milliers d’outils dont je n’avais pas la moindre idée à quoi ils pouvaient bien servir. Mais j’étais émerveillé, un peu comme Salieri face à Mozart.

Encore une fois c’est ce que nous dit le Christ à la fin de la parabole des talents « Car il sera beaucoup donné à celui qui a beaucoup reçu et il sera peu donné à celui qui a peu reçu », ce qui paraît inhumain et incompréhensible, voir « injuste » Mais cela ne l’est absolument pas.

Ce que nous dit Jésus est simple : chacun de nous a reçu beaucoup au moins dans un domaine (la musique pour Mozart) et probablement dans plusieurs. Une société juste est donc une société qui permet à chacun de découvrir le ou les domaines où il a beaucoup reçu, pour qu’il s’y investisse à fond et du coup reçoive beaucoup puisqu’il sera dans les 20 % qui recevront les 80 %. Et donc, une société libre favorisera naturellement les inégalités individuelles pour arriver in fine à une égalité de liberté, alors qu’une société technocratique ou marxiste (ce qui est la même chose) arrivera inéluctablement au résultat inverse.

À ce point de l’analyse, le lecteur va me demander à haute et intelligible voix, que faire pour arriver a cette société idéale ? La réponse est simple ;tout passe par l’éducation. En voici un exemple, qui une fois n’est pas coutume, va m’amener à dire du bien de notre cher Président. Comme chacun le sait, le bulletin de salaire que reçoit un employé à la fin du mois est complètement incompréhensible. En cherchant bien cependant on trouve une ligne qui précise qu’une somme équivalente à 1 % du salaire (?) est versée tous les mois au titre de la formation professionnelle à une organisation qui sera chargée de gérer ces sommes. Et bien entendu, la France étant ce qu’elle est, le salarié ne pouvait disposer de ces sommes qu’en les dépensant auprès d’organismes « agrées », dépendant des syndicats… Ce qui voulait dire que l’on avait créé toute une nouvelle série de rentes au profit d’une sous bourgeoisie étatique et que la possibilité de s’éduquer librement n’existait pas.

Et c’est récemment que s’est produit un miracle sans doute dû a un moment d’inattention de ceux qui nous gouvernent : le nouveau Président a pris la décision que puisque ces sommes appartiennent au salarié, il pourra les dépenser au profit du formateur de son choix

Quelques exemples au hasard.

  • Vous êtes employé de banque, vous avez toujours rêvé d’élever des chèvres dans le Larzac ?  À vous de trouver le gars qui vous expliquera comment faire et vous pourrez devenir le meilleur éleveur de chèvres au monde.
  • Vous êtes homme politique, ce qui ne vous amuse plus, et vous voulez vous reconvertir dans la photographie pour laquelle vous avez un talent certain. Là encore, aucun problème, des formations à la photographie existent partout, y compris sur le Net.

Il s’agit la d’une VRAIE révolution puisque pour une fois, c’est VOUS qui allez décider comment VOUS allez dépenser l’argent de VOS impôts.

Mais à la place de monsieur Macron, je me méfierais. Imaginez que cela marche et que l’on soit obligé d’étendre cette idée à la totalité de l’enseignement, chaque famille recevant un ticket par enfant à présenter à l’école de son choix, ce qui amènerait les mauvaises écoles à fermer et les bonnes écoles à se développer, les mauvais professeurs à chercher autre chose à faire et les bons professeurs à être augmentés.  Voilà qui réintroduirait la concurrence dans l’enseignement sans y rétablir la primauté de l’argent, puisque l’argent viendrait des impôts et serait redirigé par les consommateurs vers ceux qui leur donnent satisfaction. Vous imaginez le désastre si on faisait la même chose pour les retraites, pour la santé, pour les transports en commun, pour la gestion de votre commune… tout le monde faisant ce qu’il aime et donc étant heureux, plus personne ne voterait à gauche ou ne demanderait de faveur à l’État et les politiciens ne serviraient plus à rien. Voilà qui serait un drame dont la classe politique aurait du mal à se remettre.  La classe politique peut-être, mais la France s’en porterait certainement mieux.

Car, après tout ce pays existe et chacun voit à quel point tout le monde y est malheureux et ce pays c’est bien sûr la Suisse. Il n’y a pas de déficit budgétaire, pas de chômage, pas d’inflation, il a la monnaie la plus forte du monde, n’a pas eu de guerre depuis deux siècles au moins, a eu le plus grand nombre de prix Nobel par habitant dans le monde (ceci pour les ignoramus qui disent que la seule chose que les Suisses aient inventée c’est le coucou) … Ce constat amène à une question et à une seule. Qui parmi les lecteurs de l’IDL connaît le nom d’un politicien suisse ? Cette ignorance explique peut-être ces succès ?  Et les Suisses le savent fort bien. À un homme politique français qui demandait finement à un Suisse réputé sot comme tous les Suisses pourquoi ils avaient un ministère de la marine, le Suisse avait répondu « Et pourquoi pas ? Vous avez bien un ministère des finances ! »