Publié le

Les économistes existent pour que les astrologues aient l’air sérieux

20 avril 2020

Je dois avouer que les économistes officiels m’ont toujours amusé avec leur prétention à prédire l’avenir. Comme je ne cesse de le dire, si quelqu’un pouvait prévoir l’avenir, le socialisme fonctionnerait à merveille, la Corée du Nord serait le pays le plus développé au monde, et nous savons tous qu’il n’en est rien.

Mais en ces temps de crise, « ils » se surpassent.

Je viens de “lire”, les élucubrations de tel ou tel des représentants de cette engeance sur les conséquences à attendre de la crise du Corona Virus, et je dois dire que j’en suis resté mort de rire. Le commentaire général est le suivant :’’il s’agit d’une situation complètement nouvelle et inattendue et mes modèles (mathématiques bien sûr) ne me sont donc d’aucune utilité’’. Dire ceci, c’est avouer que finalement, l’on n’a rien compris à l’économie. Je m’explique.

L’économie est une branche de la Logique qui est elle-même une branche de la Philosophie. Ce n’est ni une branche des mathématiques ni une branche de l’astrologie.

Que fait-on en Logique ? On essaie de mettre à jour des concepts que l’on confronte à la réalité pour mieux comprendre celle-ci, ce qui permet d’éviter de commettre les mêmes erreurs si les mêmes faits se répètent. Voilà qui permet d’apprendre par l’expérience et d’enseigner ensuite. Un exemple : Un certain nombre de lecteurs doivent être du sexe masculin, et ce sexe apprend assez vite que si l’on pisse contre le vent, on en sort mouillé, ce qui est un apprentissage logique que l’on peut transmettre aux générations suivantes. Le but d’un économiste est donc de dégager des concepts qui vont aider le reste de la population à être le moins mouillé possible quand le vent se lève.

Pour mieux expliquer ce que je viens de dire, je vais me livrer devant mes lecteurs à une analyse économique de la crise dans laquelle nous sommes, et pour cela je vais utiliser des concepts avec lesquels ils sont familiers s’ils ont pris la bonne habitude de me lire le lundi matin

  • Essayons de répondre à la première question : qui va prendre la claque financière ? La réponse est : tous ceux qui travaillent dans le secteur privé. Je ne pense pas que les employés au ministère des Finances, par exemple, se fassent du souci pour leur emploi ou leur virement à la fin du mois.
  • Parmi les gens qui travaillent dans le secteur privé, il y a les employés « normaux », qui risquent de ne pas retrouver leur travail quand le confinement sera fini, mais qui sont partiellement couverts par le système social (allocations chômage etc.)
  • Et puis il y a les entrepreneurs, les vrais, les patrons de petites entreprises de moins de 10 personnes, qui ne sont pas couverts par grand-chose, qui ne sont pas tous jeunes et qui risquent de se retrouver au tapis ayant perdu le travail d’une vie, et sans rien.

Donc les petits patrons vont être les grandes victimes de cette crise, et leurs employés des victimes subsidiaires, cela est certain.

Venons-en aux concepts que les lecteurs connaissent bien :

  • Qu’est qu’un (petit) entrepreneur ? C’est la personne qui médiatise le risque pour la société. Il a des coûts certains et des revenus complètement incertains. Si ses coûts sont inférieurs à ses revenus, la différence s’appelle le profit, et l’Etat lui en prendra une partie, et si c’est le contraire, cela s’appelle une perte, à laquelle l’Etat ne participera évidemment pas. Le ratio profit (ou perte) sur le capital engagé par l’entrepreneur s’appelle la rentabilité sur capital investi ou r
  • Qu’est- ce qu’un rentier ? C’est quelqu’un qui ne veut prendre aucun risque, ni avec son épargne ni avec sa force de travail. Le rentier, c’est donc celui qui achète une obligation de l’État français et/ou qui est fonctionnaire. Appelons sa rentabilité i,i est égal au rendement sur les obligations d’Etat[1].
  • Et bien entendu, il faut une troisième personne, le gros malin qui va voir les rentiers en leur disant : mettez votre argent chez moi, je vous donnerai i et qui se retourne pour prêter l’argent aux entrepreneurs en leur faisant payer r. Et avec la différence (r-i), il doit faire tourner sa boutique, compenser pour les entrepreneurs qui feront faillite et rémunérer le capital qu’il a mis en garantie.

Pour que ce système vieux comme le monde fonctionne, il faut bien sur que r soit plus grand que i, sinon et mon entrepreneur d’abord et mon banquier ensuite vont faire faillite.

En tant qu’observateur, comment puis-je savoir que r >i ou pas ? Facile, je regarde d’abord le cours des banques en bourse, et ensuite le rapport entre la valorisation des actions et celle des obligations d’État dans le pays. Ce ratio mesure en fait le ratio rentabilité du capital investi sur paiement au rentier. Dans une économie normale où r>i, ce ratio doit monter ; dans une économie malade, il baisse, Voyons l’exemple de l’Italie dans les dernières décennies.

 

La ligne rouge est l’indice boursier des banques de la zone euro, qui a perdu 85 % depuis l’an 2000, Quant au ratio actions/obligation qui n’est autre que le ratio r/i, depuis la même date (ligne noire), il a perdu 72 % depuis la même date.

Et donc je peux affirmer avec certitude qu’en Italie r a été inférieur à i depuis 20 ans au moins, et que donc dans ce pays et pour cette période, le rentier a touché beaucoup plus que l’entrepreneur, ce qui est idiot. La question suivante est bien sûr : mais comment est-ce possible ? Et la réponse est assez simple : depuis vingt ans dans la zone euro nous sommes gouvernés par des fous.

Que le lecteur veuille bien regarder le deuxième graphique.

La ligne rouge c’est la production industrielle italienne et la ligne noire la production industrielle en Allemagne. De 1970 à 2000, les deux montent en parallèle. Certes, l’Allemagne est plus efficace, mais l’Italie reste compétitive en dévaluant sa monnaie constamment vis-à-vis du DM (ligne jaune), qui passe de 250 lires/DM en 1970 à 1000 lires/DM en 2000… Les rentiers italiens sont payés en lire, tandis que les entrepreneurs le sont en fait en DM, et bien sûr r>i est la règle.

Arrive l’euro en 2000. Les rentiers italiens sont payés en DM et les entrepreneurs doivent en supporter le coût ; r devient inférieur à i (rentabilité du capital inférieure au coût du capital), la bourse s’effondre et rien ne s’effondre plus que les banques.

Arrive la première crise de l’euro, les sociétés italiennes ont bouffé leurs fonds propres, une grande partie dépose le bilan, l’indice de la production industrielle italien passe de 100 à 75, tandis que son équivalent allemand monte lui de 100 à 120, les sociétés allemandes étant dopées par la disparition de leur concurrentes italiennes. Arrêtons-nous là.

Je n’ai utilisé aucun modèle, j’ai simplement montré en utilisant la logique la plus élémentaire que si dans un pays la rentabilité du capital était inférieure au cout du capital, l’économie et les banques s‘effondraient. Puis, dans un deuxième temps j’ai montré que la cause première de cette situation était le blocage du taux de change entre la lire et le DM qui faisait que les entreprises italiennes avaient importé le cout du capital allemand ce qui avait amené le r Italien en dessous du i allemand.

Et donc la faillite de l’industrie italienne est inéluctable.

Venons-en à la crise actuelle et à ses conséquences sur r et i.

  • Le r italien va se ratatiner à nouveau comme il l’avait fait en 2011-2012 et l’on va passer à 60 ou 65 sur l’indice de la la production industrielle. Depuis le début de l’euro, l’Italie aura perdu 40 % de son industrie.
  • Le poids de l’Etat italien va exploser à la hausse, le déficit budgétaire avec, et la dette va monter à 150 % du PIB facilement.
  • Logiquement i (les taux italiens) devraient monter mais la BCE nous explique qu’elle empêchera cette hausse. Je ne sais pas pourquoi, mais je songe à cet empereur perse faisant fouetter la mer parce qu’il avait perdu une bataille navale. Nous verrons.
  • Mais même si i reste bas, je suis certain que r va rester inferieur a i (rentabilité du capital bien inferieure au cout du capital, même si ce dernier est à zéro) et donc cette crise va accélérer l’inéluctable faillite de l’Italie.

La seule et unique solution pour les Italiens est pour le r italien de repasser au-dessus du i italien et cela ne peut se faire que si les entrepreneurs Italiens peuvent aller rechercher les parts de marchés que les allemands leur ont piqué, ce qui passe par un transfert massif de richesse des rentiers Italiens aux entrepreneurs Italiens et des entrepreneurs allemands aux rentiers allemands.

Voilà qui ne peut se faire qu’aux prix d’une dévaluation massive de la lire vis-à-vis du DM c’est-à-dire de la fin de l’euro, cette machine à détruire l’Europe. Et pour ceux qui se poseraient la question, à la place de faire la démonstration en utilisant l’Italie, j’aurais pu la faire avec la France ou l’Espagne, elle eut été exactement la même.

La principale conséquence de la crise du corona virus sera donc une bonne, une très bonne nouvelle : l’Euro va disparaitre très bientôt et je pourrai enfin revenir investir dans ce merveilleux continent où tout a été inventé et où il fait si bon vivre.

A bas Bruxelles, Vive l’Europe de demain, celle des Libertés retrouvées.