par Edouard Husson 27 juin 2025
Le Courrier des stratèges
Du point de vue des intérêts français, le sommet de l’OTAN à La Haye est un désastre. Tout d’abord, il faut comprendre que des structures du type de l’OTAN et de l’Union Européenne ne peuvent que provoquer la capitulation des dirigeants français qui les fréquentent. Ensuite, notons que, quelles que soient les rodomontades des uns et des autres, l’Union Européenne finit toujours par se soumettre au président américain en place. De ces constats, il est possible de tirer des enseignements pour la France, afin de lui permettre de retrouver indépendance, capacité à défendre ses intérêts et influence sur les affaires du monde.
Je reviens sur le sommet de La Haye. Je faisais remarquer hier que le mot Europe n’apparaît pas dans le communiqué final. L’Elysée a glissé que seule la France avait essayé d’imposer le mot….Il aurait mieux valu ne rien raconter, tant cela souligne l’impuissance de nos actuels dirigeants – en fait des dirigés.
Tirons les conclusions – et des résolutions – de ce désastre.
Pourquoi la soumission des dirigeants français est inéluctable dans les structures supranationales
Premier constat, implacable. Les dirigeants français finissent par se soumettre complètement dans une structure comme l’OTAN ou l’Union Européenne.
En fait, cela se comprend très bien par le mode de fonctionnement de nos élites. Lorsque Charles Maurras disait, méchamment, « La République, c’est la Cour sans le Roi », il avait saisi l’un des problèmes fondamentaux des élites d’après la Révolution Française. Cette dernière a tué le roi mais non pas la société de cour, avec tous ses mimétismes.
Chateaubriand rapporte, dans les Mémoires d’Outre-Tombe, qu’à la veille de la Révolution, il était chic d’être « Anglais à la cour, Américain à la ville et Prussien à l’armée ». On comprend très bien les mécanismes qui se mettent en place en France quand il n’y a plus de roi ni d’empereur ni de président fort comme Charles de Gaulle pour fixer la ligne. La société de cour qu’est le milieu dirigeant français se cherche « un roi » ailleurs. On remarquera d’ailleurs que, même si imiter les Britanniques est un peu passé de mode, notre milieu dirigeant continue à penser que c’est l’Allemagne, que ce sont les Etats-Unis qu’il faut suivre.
Pendant longtemps, il y a eu le « modèle allemand ». Tout ce que faisaient les Allemands était forcément mieux que ce que faisaient les Français; Résultat, nous nous sommes enfermés dans une construction européenne décalquée sur les institutions de la République Fédérale d’Allemagne. La France était appelée à ne plus être qu’un « Land » de la nouvelle entité fédérale européenne.
Ces dix dernières années, il était de bon ton dans l’Union Européenne, de s’en prendre à Donald Trump. Les dirigeants français imitaient. A présent, l’Union Européenne se soumet à Trump au point d’abdiquer toute volonté propre. On ne fait même plus semblant. Parions que Macron & Cie finiront par s’adapter.
L’important est de comprendre que le mimétisme permanent propre à la société de cour est ce qui condamne nos dirigeants à n’être que des suiveurs dès qu’ils ont abandonné l’exigence de souveraineté propre à notre histoire.
La soumission de l’UE à Trump et aux Etats-Unis
Tout le monde l’a promis à « Daddy »: chacun a sa tirelire, un petit cochon avec un casque à pointe, et va y mettre ses petites économies. On ne fait même plus semblant de croire à une « Europe de la défense ». C’est essentiel à saisir quand nous envisageons l’Allemagne et ses déclarations. Friedrich Merz veut doter l’Allemagne de « la première armée d’Europe ». Mais, comme Ulrike Reisner vous l’expliquait il y a quelques jours, à la Maison Blanche, « Fritz » a fait allégeance.
On peut bien imaginer que la politique de Fritz devienne dangereuse, d’un point de vue français, par rupture de l’équilibre européen. Cependant tout dépendra de la volonté du président américain. Un Obama ou un Biden laisseraient la bride sur le coup à Fritz. Un Trump le maîtrisera.
Le sujet cependant nous emmène plus loin. La France doit regarder en face les vrais rapports de force. Et les retourner à son avantage.
De quelques différences entre les Etats-Unis de Trump et l’Union Européenne
Dans l’Occident affaibli, l’Union Européenne est à la fois l’un des refuges du globalisme et une structure qui sert à étouffer la voix des peuples. C’est une structure où l’on ne croit qu’à la force. On y a d’ailleurs soutenu la guerre contre la Russie car on y était persuadé, par arrogance et par inculture, que la Russie était faible. A présent que Donald Trump menace d’abandonner les Européens à leur triste sort face à l’ours russe, on court voir Daddy: « Ne nous laisse pas tout seuls! »
L’Union Européenne, c’est aussi un ensemble où l’on compte bien utiliser les 1,5% dédiés à la sécurité (sur les 5% promis à Daddy) pour contrôler les populations. Et puis, c’est un ensemble où l’on vote non seulement des lois liberticides mais aussi des lois dites sociétales qui relèvent d’une sorte de nazisme soft (voir l’euthanasie renommée « fin de vie »). Enfin, c’est un continent où les peuples ont le plus grand mal à faire émerger des candidats politiques aux élections qui défendent leurs intérêts.
En face, les Etats-Unis de Trump ont beaucoup de défauts, mais le pays a montré, depuis dix ans une vraie vitalité politique: en élisant deux fois Trump; en faisant basculer la Cour Suprême du côté conservateur; en montrant une résistance aux contraintes covidistes dont les sociétés eurropéennes ne procurent pas d’équivalent etc….
Je vois bien les défauts: Trump est à la fois le candidat du peuple et celui d’une partie de l’oligarchie post-globaliste. Son projet, avec l’annexion du Groenland, du Canada et du Canal de Panama, au moins théoriquement, est un projet de petit empire américain jugé plus apte à défendre les intérêts américains que le globalisme tous azimuts. Et puis il y a l’indifférence de Trump vis-à-vis des Palestiniens massacrés à Gaza, la manière dont il fait avancer les intérêts des entreprises de la Tech qui se sont ralliées à lui, comme Palantir, avec la mise en place d’un capitalisme de surveillance etc….
Oui mais, précisément, regardez comme Trump a fait de l’équilibrisme sur la question de la Guerre d’Iran, prenant tout le monde à contrepied, avec des frappes trop démonstratives pour être sérieuses. Le président américain a trouvé une ligne de crête entre les plus pro-Netanyahou de ses partisans et sa base MAGA. La bronca au sein du parti républicain a été trop forte pour qu’il n’en tienne pas compte et abandonne ses promesses de paix. Nul ne sait l’issue du cessez-le-feu. Mais remarquons que les Etats-Unis ne sont plus enfermés, à la différence de l’UE, dans une politique sans alternatives.
Que devrait faire une France qui se prenne en mains?
Il me semble par conséquent que trois conclusions et recommandations s’imposent pour notre pays.
J’entends bien les objections de certains lecteurs, qui m’objectent: malheureusement, il n’y a personne pour porter la politique que vous recommandez. Je propose d’inverser les facteurs et de répandre un état d’esprit, qui montre qu’il y a des politiques alternatives. Il faut que nos idées deviennent majoritaires dans la population. Comme dans le cas du trumpisme – qui a été précédé par le long travail de terrain du Tea Party – il se trouvera bien, le moment venu, un membre de l’élite française pour s’en saisir. Mais il faut pour cela que la bataille des idées soit gagnée.
Voici donc ce que devrait faire, de mon point de vue, un gouvernement français digne de ce nom après le sommet de La Haye:
+ d’abord, il est urgent de retrouver notre indépendance. Je le dis souvent, ces dferniers temps: il ne faut pas être souverainiste mais indépendantiste. La France doit renouer avec le Général de Gaulle en sortant du commandement intégré de l’OTAN – par exemple en saisissant l’occasion d’une crise avec les Etats-Unis sur le Groenland. Et elle doit préparer une sortie – partielle pour commencer de l’Union Européenne
+ Simplement, la France doit hiérarchiser les menaces pour elle. La plus grosse menace vient de l’Union Européenne. C’est l’UE qui l’empêche de déployer le potentiel de son nucléaire civil; ce sont les mécanismes de l’UE qui ont permis à nos dirigeants, par facilité, de nous enfermer dans une dette massive; l’UE contribue largement à l’absence de règlement du conflit en Ukraine; l’UE a soutenu le génocide à Gaza etc….
Il est urgent de mettre en place un plan de retrait, partiel pour commencer, de l’Union Européenne. A commencer par la dénonciation des directives de la politique énergétique de l’entité et des mécanismes du marché de l’électricité.
C’est un des gros chantiers que va lancer Le Courrier: construire un plan réaliste de retrait progressif de l’Union Européenne. il n’est d’ailleurs pas dit que ce retrait doive être total. Le bilan détaillé dictera le bon équilibre.
+ Vis-à-vis des USA de Trump, la politique doit partir, de mon point de vue, que s’ils représentent une menace pour les intérêts français daqnds un certain nombre de secteurs, que nous identifierons dans les semaines qui viennent, en revanche, pourvu que la France se comporte en Etat souverain, les Etats-Unis en repli géopolitique sur le continent américain représentent une menace moindre que l’UE pour nous. Ils pourraient même, dans le jeu géopolitique complexe qu’ils ont engagé, avoir besoin de notre soutien sur des dossiers précis.
En fait, l’idée de base me, semble assez simple: à condition de reprendre notre indépendance, il est possible de dialoguer et de se faire respecter de la démocratie souveraine que restent les Etats-Unis, malgré tous leurs défauts. En revanche, il faut desserrer, partout où cela est nécessaire, l’étau de l’UE, tant elle est, pour la France, une machine à asphyxier notre peuple mais, facteur aggravant dans notre cas, elle encourage nos dirigeants à fuir leurs responsabilités.
Vous l’avez compris, nous avons un beau programme de travail, pour définir les contours d’une nouvelle politique d’indépendance française!